Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Homélie du pasteur Pierre-Yves Brandt
Dimanche de la fête du Christ Roi de l’Univers 26 novembre 2023,
Lectio Divina œcuménique mensuelle,
La Pelouse sur Bex.

Chères sœurs, chers frères,

Nous fêtons aujourd’hui le Christ Roi de l’Univers. En préambule, on peut se poser la question : Faut-il encore fêter la royauté du Christ alors que nous vivons dans des démocraties dans lesquelles nous revendiquons le contrôle du pouvoir par le peuple ? Les chrétiens continueraient-ils à mener un combat rétrograde en faveur de la monarchie, un combat antidémocratique ? Voyons quelle réponse nous pouvons apporter à cette question sur la base des textes proposés à notre méditation de ce jour.

Chères sœurs, chers frères,

Nous fêtons aujourd’hui le Christ Roi de l’Univers. En préambule, on peut se poser la question : Faut-il encore fêter la royauté du Christ alors que nous vivons dans des démocraties dans lesquelles nous revendiquons le contrôle du pouvoir par le peuple ? Les chrétiens continueraient-ils à mener un combat rétrograde en faveur de la monarchie, un combat antidémocratique ? Voyons quelle réponse nous pouvons apporter à cette question sur la base des textes proposés à notre méditation de ce jour.

Deux rôles sont principalement associés à la figure exerçant l’autorité divine telle que dépeinte par les textes de ce dimanche : les rôles de juge et de berger. De juge d’abord : Jésus raconte une parabole qui décrit comment s’y prendra à la fin des temps celui qu’il nomme le Fils de l’Homme. Il siégera sur son trône de gloire et fera comparaître des habitants de toute la terre. Et il séparera les êtres humains sur la manière dont ils se seront montrés les prochains de ceux qui étaient dans le besoin. Jésus nous apprend que la question qui nous sera posée à la fin de notre vie ne sera pas combien d’argent nous avons donné pour l’Église ou combien de personnes nous avons converties au christianisme, mais bien comment nous avons ou non été le prochain de celui ou celle qui était affamé, assoiffé, nu, malade ou en prison.

Le juge devant qui comparaîtra chaque être humain est un berger. Selon le Psaume 22 (23), le Seigneur Dieu prend soin de nous comme un berger de ses brebis. Tout au long de son ministère terrestre, Jésus a pris soin des plus faibles. Il raconte aussi que le Fils de l’Homme séparera les brebis des boucs au jugement dernier. Pour l’auditeur averti de la parabole, il est évident que c’est Jésus lui-même qui procédera ainsi. Car le bon berger ne laisse pas les bêtes grasses écraser les brebis faibles ou malades. L’image est reprise du prophète Ézéchiel, lorsqu’il prophétise contre les chefs d’Israël. Vous êtes des bergers qui au lieu de paître le troupeau vous paissez vous-mêmes, leur reproche-t-il. Au lieu de prendre soin de ceux qui vous sont confiés, vous ne pensez qu’à prendre soin de vous-mêmes. Voici l’énoncé d’un critère qui devrait toujours être celui que s’appliquent ceux qui ont des responsabilités collectives : suis-je guidé par le souci des plus vulnérables ou par celui de m’engraisser ? Laissons résonner cette question : « Qu’en est-il de ceux qui sont le plus vulnérables parmi ceux qui te sont confiés ? Veilles-tu à ce qu’on prenne soin d’eux ou sont-ils démunis et laissés à l’abandon ? »

Dans la parabole racontée par Jésus (Mt 25), le rôle de berger n’est pas réservé au juge assis sur le trône de gloire. Au jugement dernier, lorsque le Fils de l’Homme siègera sur son trône de gloire, lui qui est le bon berger par excellence, interrogera chacun sur la manière dont il a été ou non un bon berger pour son prochain.

Tous jugés selon les mêmes critères ? Oui, le roi-juge comme les autres : comment as-tu été le berger de ceux qui ont été placés sur ta route ? Pour Jésus, pas de doute, il a effectivement été le Bon Berger. D’un côté, il a pris soin des plus faibles qu’il a rencontrés : veuves, infirmes, exclus de la société. D’un autre côté, sans compromis avec les bergers qui ne prennent pas soin de ceux qui leur sont confiés et qui s’engraissent à leurs dépens. Jésus n’a jamais craint de dire à ceux qui avaient du pouvoir quand il constatait qu’ils exerçaient leur pouvoir de manière injuste. Et nous ? Combien de fois nous sommes-nous tus lâchement ? Et combien de fois avons-nous fermé les yeux sur le dénuement de l’autre ?

Combien nous peinons à être des bergers à l’image du Christ. Alors, si nous peinons à appeler le Christ en le nommant Roi de l’univers, nommons-le Berger de l’Univers. Mais cela ne changera rien au fait qu’il est incomparablement plus désirable de lui appartenir que d’appartenir à quiconque se proposerait pour être notre berger.

Rappelons-nous alors, pour lui rendre gloire et louange, comment il est le Bon Berger de l’univers. Comme Jésus le dit ailleurs, selon ce qu’en rapporte l’Évangile de Jean, contrairement au mercenaire « le bon berger se dessaisit de sa vie pour ses brebis. » (Jn 10,11). Il sait ce qu’avait répondu en son temps son ancêtre le roi David au roi Saül, quand il avait vu les armées de Saül terrorisées par le Philistin Goliath et qu’il s’était proposé pour aller le défier : « Ton serviteur était berger chez son père. S’il venait un lion et même un ours pour enlever une brebis du troupeau, je partais à sa poursuite, je le frappais et la lui arrachais de la gueule. Quand il m’attaquait, je le saisissais par les poils et le frappais à mort. Ton serviteur a frappé le lion et l’ours. Ce Philistin incirconcis sera comme l’un d’entre eux… » (1 S 17, 34-36).

Jésus a fait de même. Il n’a pas eu peur d’affronter les pouvoirs politiques et les autorités religieuses qui maintenaient les gens sous leur domination, s’interposant entre eux et le don gratuit de l’amour de Dieu offert à chacun. Quand on a voulu l’écarter et le faire taire, il a courageusement affronté la mort et a renversé même les entités spirituelles qui pouvaient faire obstacle à la victoire de l’amour de Dieu sur toute puissance prétendant pouvoir tenir le genre humain sous sa coupe. Dans sa Première lettre aux Corinthiens, Paul parle de la victoire du Christ sur les êtres célestes que constituent les Principautés, les Souverainetés et les Puissances (1 Co 15,24). Cela évoque pour vous des réalités peut-être un peu vagues. Pensez alors aux forces ou entités auxquelles vous risquez de donner du pouvoir sur votre vie et qui menacent de compromettre votre confiance en Dieu : une injonction de loyauté mortifère dans une famille et qui pèse comme une malédiction, les forces économiques qui exercent des contraintes sur le monde et par rapport auxquelles Dieu semble impuissant, le pouvoir de l’argent qui corrompt ceux qui paraissaient les plus honnêtes, des emprises affectives dont on ne sait comment sortir. Ce ne sont que quelques exemples de dépendances aliénantes à l’égard de paroles, de personnes, de consignes, lois ou règles, mais aussi de pulsions ou d’émotions, qui menacent de prendre la place de Dieu dans nos vies et qui, à ce titre, se présentent comme des entités spirituelles qui nous tiennent sous leur coupe. Le Christ à renversé toute force spirituelle ennemie de Dieu, y compris la mort. Et il est sorti vivant de ce combat. Paul nous dit que plus aucun obstacle ne nous sépare de l’amour de Dieu et que Dieu peut dès lors être tout en tous.

A nous de nous approprier cette réalité et de construire notre vie sur cette certitude. Cela ne veut pas seulement dire nous reconnaître les bénéficiaires de l’œuvre du Christ, nous réjouir d’être les brebis du Bon Berger, confesser que celui qui est le seul maître et roi de l’univers est celui qui a donné sa vie pour nous arracher de la gueule de la mort. Cela veut dire aussi qu’à notre mesure, nous soyons de bons bergers pour ceux et celles qui nous sont confiés. Cela veut dire que nous ne craignions pas d’affronter la contradiction quand il s’agit de protéger les plus fragiles, démunis et vulnérables. Et demandons la grâce qu’au jour de notre mort nous mettions toute notre confiance dans celui qui avant nous a vaincu la mort et nous a ouvert le chemin de la vie. Là, comme à d’autres moment dans notre vie, le pire ennemi pourrait bien être la résignation. Plutôt que d’entrer dans une attitude défaitiste, appeler le Christ pour qu’avec lui nous puissions attraper la mort par les poils et qu’elle soit frappée à mort. Car elle perd tout pouvoir devant l’amour de Dieu. Louange soit à Jésus, le Christ, qui nous a ouvert le chemin vers Dieu.