Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Nicole Lechanteur

Commentaire de la Parole
10e semaine du t.o. A

1 Rois 17,1-6 et Matthieu 5,1-12

Nous avons eu 50 jours pour entrer dans le mystère de Pâques, nous allons maintenant avoir trois mois où nous passerons sans cesse d’une royauté terrestre, souvent pervertie, à la réalité du Royaume des Cieux à laquelle nous sommes appelés.
Trois mois avec l’évangile de Matthieu où le Royaume annoncé par Jésus, ce Royaume qui, avec la venue de Jésus parmi les hommes, se fait proche, est inauguré, grandit, mais est aussi en procès… Adviendra-t-il ? Et comment ? En qui ?

Presque trois mois avec les prophètes qui se lèvent au temps où la royauté en Israël se pervertit et le royaume - dont le roi est choisi pour être lieutenant de Dieu sur la terre - se divise en deux et les rois qui se succèdent sur le trône de David bafouent les droits des pauvres et ceux du Seigneur. C’est cela que les prophètes Elie, Elisée (dans le livre des Rois), puis Amos, Osée, Isaïe, Michée, Jérémie, Nahoum, Ezéchiel, ne cessent de dénoncer.
Avec la lecture conjointe de ces Prophètes et de Matthieu, la liturgie nous fera donc passer durant trois mois d’un royaume à l’autre : du royaume perverti au Royaume de Dieu.

3 points sur Elie (1R17,1-6) :

  • Dans le passage d’aujourd’hui, Elie est amené à annoncer à Achab qu’il n’y aura pas de pluie ni de rosée pendant plusieurs années, c’est-à-dire, à manifester à la manière des prophètes que la conduite du roi ne produit pas de fruits, qu’elle conduit à une terre aride, desséchée.
  • Elie est invité, lui, à se mettre en route vers le Soleil levant et à se cacher près d’un torrent, le Kérit, pour refaire l’expérience fondatrice du peuple d’Israël, l’expérience de la confiance : recevoir la nourriture d’un autre, un corbeau (littéralement celui qui se fait proche ». Une confiance à accorder sur la base d’une promesse. Il faut avoir expérimenté cette confiance en Dieu pour être le porte-parole du Seigneur, le prophète du Seigneur par monts et par vents au cœur même des oppositions inhérentes à sa mission.
  • Pour faire advenir un royaume de justice, Elie est plongé dans les dispositions dont les béatitudes nous parlent : « pauvre de cœur - doux - affligé - affamé et assoiffé de justice - … - persécuté à cause de la justice ».

Entrons maintenant dans l’Evangile selon Matthieu (Mt 5,1-12).

Les sept versets qui précèdent (4,17-25) évoquent le début du ministère de Jésus : (Lecture de ces versets). Il y a eu cet appel : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Une Bonne Nouvelle est annoncée qui se fait jour : « le Royaume des Cieux est proche ». Jésus est au milieu d’eux, « parmi les hommes ». Il appelle des frères qui, saisis par Jésus, sa Parole, son agir, se mettent à le suivre. La foule arrive avec de nombreux « pauvres » de toutes sortes : malades et infirmes. Jésus est au milieu d’eux et les guérit, les relève, les met en route. « Il enseigne la Bonne Nouvelle du Royaume et guérit toute maladie et toute infirmité dans le peuple », dit le récit (4,23). « Sa renommée se répand » ; « On lui amène alors tous ceux qui souffraient … et il les guérit. De grandes foules le suivent » venant des régions alentours (4,24-25). Le décor est planté.
Jésus est saisi par la misère du peuple et des foules. Il s’adresse à des personnes qui sont saisies par la grâce de sa Parole et de ses actes (le peuple, des frères, les foules).

C’est à partir de ce vécu au cœur de la foule, de sa Parole et de ses actes que démarre le récit d’aujourd’hui avec Jésus qui gravit la Montagne et s’assied- comme l’avait fait Moïse dans sa rencontre avec le Seigneur - ; la foule qui est là, sans doute, à portée de vue, et des disciples qui se sont approchés de Jésus… Jésus est là, l’Emmanuel ; Dieu avec nous.

  • « Heureux », « heureux », … : huit fois « heureux », une totalité, une plénitude (5,3-10) (+1x « Heureux » (5,11). En hébreu, le terme dit l’allégresse de celui qui avance sur le chemin, qui sait vers où il va et dont l’avancée sur ce chemin le remplit toujours davantage d’allégresse. C’est ce bonheur que Jésus annonce ou révèle, non un bonheur statique, mais une avancée pleine d’allégresse.
  • A l’encadrement des huit premières béatitudes, nous trouvons de part et d’autre « car le royaume des Cieux est à eux » (5,3.10) : cette grâce du Royaume des Cieux est déjà donnée : le Royaume des Cieux, de proche qu’il était, est à eux, dès maintenant, elle est au milieu d’eux, en eux. C’est un présent intemporel, qui dure, un présent continu : la grâce est donnée.
  • A qui est donnée cette grâce ? 5,3 : aux « pauvres en esprit ou de cœur » : ceux qui ne sont pas orgueilleux, remplis d’eux-mêmes, ceux qui placent leur confiance en d’autres, en Dieu car ils se savent pauvres ; ils prennent appui sur l’autre, le Tout-autre et c’est cela déjà leur bonheur. Ils ont le cœur ouvert, un cœur confiant, un cœur d’enfant. Cette attitude d’ouverture, de confiance, de foi leur donne d’accueillir la grâce qui est là : « A eux est le royaume des Cieux ». et 5,10 « aux persécutés pour la justice » : leur agir, avec les conséquences qui en résultent - les persécutions - , montre qu’ils ont accueilli, eux aussi, la grâce. Elle est aussi donnée à tous ceux qui sont au cœur de ces huit béatitudes.

  • Quel bonheur et pour qui ?

Ce n’est pas le bonheur facile des publicités, des visages factices, maquillés et lisses de toutes rides, Les faux bonheurs entraînent dans une course effrénée qui jamais ne satisfait.
Jésus, lui, conduit au vrai bonheur que reçoivent déjà et que recevront « ceux qui sont pauvres de cœur - ceux qui sont doux - ceux qui sont affligés/ceux qui pleurent - ceux qui ont faim et soif de la justice - ceux qui sont miséricordieux - ceux qui sont purs de cœur - ceux qui sont faiseurs de paix - ceux qui sont persécutés à cause de la justice ».
« Heureux les doux, ils recevront la terre en héritage ; les cœurs purs, ils verront Dieu : le temps de l’accueil de la grâce est signifié par ce futur : dès à présent, le don est fait, Dieu leur donne, mais en l’homme, il faut le temps de le recevoir.
Ainsi, ensuite, nous avons tout une série de passifs au futur : « ils seront consolés – ils seront rassasiés – ils leur sera fait miséricorde – seront appelés fils de Dieu ». Ces passifs, appelés « passifs divins », disent l’action de Dieu en eux, pour eux.
Pour faire émerger le sens de ces formes verbales, nous pouvons dire : Dieu les console - Dieu les rassasie - Dieu leur fait miséricorde - Dieu (le Juste par excellence) les reconnaît ceux qui font la justice comme ses fils. En formulant ces béatitudes avec un passif divin, l’évangélise, ou Jésus lui-même, met en lumière la part conjointe de Dieu et de l’homme.

  • Pourquoi une neuvième béatitude ? Les huit premières béatitudes révèlent ce qui advient à « ceux qui » ont un cœur de pauvre, rempli de douceur, de compassion, qui sont affamés et assoiffés de justice, qui ont un cœur pur, qui œuvrent à la paix et à la justice… : elles sont un appel ouvert à tous.

La neuvième béatitude, « Heureux serez-vous », s’adresse aux disciples autour de Jésus ou à nous auditeurs, lecteurs : invitation adressée à ceux qui l’écoutent, à ceux qui ont été saisis par Jésus et marchent à sa suite. C’est à nous, si nous le voulons, qu’il s’adresse aujourd’hui.
Pour ceux à qui il s’adresse, ceux qui se sont approchés, Jésus redouble et triple même cette réalité de joie profonde, durable : « Heureux serez-vous … réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse » avec l’emploi d’un présent qui indique lui aussi une joie qui demeure, « une joie imprenable », pour reprendre le terme de Lytta Basset.

  • Le développement de cette dernière béatitude manifeste déjà, au cœur de la vocation des disciples, l’appel à être prophète avec ses conséquences.

Derrière chacune des béatitudes, nous pouvons voir Jésus : sa manière d’être et d’agir qui rend heureux vous conduira aussi, vous, les disciples, vous les auditeurs, c’est-à-dire nous, à une identité de destin avec Jésus : être témoin-martyr : une vie donnée à la suite du Christ et des martyrs.
Nous, comme Sœurs de Saint Maurice, c’est à la suite du Christ, de Saint Maurice et ses compagnons, que nous nous engageons sur ce chemin de bonheur, un bonheur placé dans la grâce du Seigneur, la grâce d’un don appelé à aller jusqu’à son terme. « Heureux serez-vous … réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse », dit Jésus à celui qui accueille cette grâce. 

Nicole Lechanteur