Commentaire de la Parole
Jeudi de la 32e semaine t.o. C
Luc 17, 20-25
« Le règne de Dieu est au milieu de vous »… Pas besoin donc de courir ici ou là à la recherche de signes extraordinaires ! Il faut au contraire se mettre à l’écoute de ce qui se passe au milieu de nous. Car l’épiphanie du Royaume, c’est bien là : dans l’entre-nous, dans nos relations qui en principe ne sont pas des relations à la manière du monde, mais des relations à la manière de Dieu. Enfants de Dieu nous le sommes : cette filiation nous oblige...
Nous étions invités hier par l’évangile à nous laisser "dédicacer" par la Parole, et aujourd’hui c’est une nouvelle dédicace qui nous arrive : celle de nos relations. Elles sont le lieu de l’épiphanie. Jésus connaît le cœur de l’homme et de la femme que nous sommes. Pas toujours simple... Et force est de reconnaître que nos relations ne sont pas toujours marquées, comme nous le voudrions, par la fraternité qui est censée visibiliser le Royaume. Le bienheureux Christian de Chergé a une belle expression pour dire l’exigence à laquelle nous sommes appelés : « Ce qui se cherche entre nous, dans nos communautés, n’est pas à fleur de peau, ni même à fleur de cœur. Nous finissons par savoir que cela nous tient profond ! ». Nos relations doivent vaincre la tentation de la surface, les sympathies ou les rejets épidermiques. Dieu veut plus pour nous, et il ne cesse de nous le montrer. Sa Parole fait son œuvre. Et c’est un acte de foi que nous devons sans cesse renouveler pour nous-mêmes et aussi pour les frères et sœurs avec lesquels nous vivons. Ce Royaume qui est parmi nous, c’est le Christ lui-même. Offert en sa Parole, il se donne en nourriture, corps et sang, pour que nous devenions, à notre tour, parole, nourriture, vie pour tous nos frères et sœurs. Mieux : pour que nous discernions en eux la parole que Dieu nous donne pour grandir en fraternité. S’il y a du Royaume entre nous, c’est bien parce qu’il y a eu Annonciation un jour, en chacun, chacune de nous. Un Verbe est ainsi en gestation en nous tous. Et c’est un vrai travail que d’être attentif à ce labeur de l’Esprit au cœur de chacun·e. Il faut donc une visitation, une rencontre, un embrassement, une prise au sérieux de l’Annonciation de l’autre pour que quelque chose du Verbe, du Royaume apparaisse entre nous. Alors la Parole ne restera pas sans effet. Au creux de cette écoute mutuelle, de cet entre-nous, il y aura de « l’Incarnation continuée », comme le dit frère Christian. Il y aura la bonne nouvelle d’une fraternité réelle, ouverte sur la joie d’un don à découvrir et à vivre ensemble.
Et cela ne s’arrête pas là. Nous le savons trop bien : tout don devient mission. Cette consécration de notre être ensemble, c’est pour quelque chose de plus grand encore et qui mérite tout notre engagement : c’est pour que le monde voie le Christ vivant en nous et entre nous et qu’il croie à l’amour plus fort que le mal.
Puissions-nous donc tenir, ensemble, le cap de l’amour plus grand et offrir au Royaume nos visages : en pensées, en paroles et en actes.
Marie-Dominique Minassian