Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Pêche au lac de Tibériade

Commentaire de la Parole
Octave de Pâques

Jean 21,1-14

Ce récit de Jean 21 en rappelle un autre, en Luc 5,1-11. On était là au début du ministère de Jésus, et la pêche surabondante était couplée à l’appel des premiers disciples par Jésus, qui les invitait désormais à pêcher vivants les hommes, à jeter sur eux le filet de la parole ! Texte de vocation, dont l’accomplissement, en Luc, est renvoyé aux discours et témoignages attestés par les Actes des Apôtres.

En Jean 21, il est question aussi de pêche surabondante, mais dans un récit d’après Pâques intriqué avec une scène d’apparition du Ressuscité aux disciples. Et ici, pas de mission spécifique (c’est fait dans l’apparition précédente, et ce sera fait pour Pierre dans le récit suivant). Mais quoi alors ? Une scène qui questionne cette absence-présence du Vivant aux disciples, les modalités de sa présence de Seigneur aux humains que nous sommes.

J’aimerais, en quelques points, creuser ce questionnement : comment, par quels chemins, le Seigneur ressuscité choisit-il de se manifester aux siens pour se faire reconnaître d’eux ?  

Première remarque : l’heure de se manifester

A trois reprises, au début (21,1.1 et 21,14), le texte précise qu’il s’agit bien d’un récit de manifestation (de la racine grecque s, qui a donné “épiphanie” par exemple) : “C’était troisième fois que Jésus ressuscité d’entre les morts se manifestait à ses disciples” (v.14). C’est la 3ème (qui n’est pas finie ici), et la dernière.

Est “manifesté”, ce qui est “caché”, “secret”. Quelqu’un ou quelque chose devient “manifeste”, est dévoilé, connu, rendu visible qui était caché, secret, invisible, mystérieux. Et un passage doit être ménagé, qui accompagne cette transformation : du non-vu au vu, de l’inconnu au connu, du secret au manifesté. Ici, le passage rend compte des modalités spécifiques de la présence de Jésus ressuscité aux siens.

Cette présence ou connaissance

– est d’abord non reconnue : Jésus se tient sur le rivage, au petit matin, alors que ses disciples ont vainement tenté de prendre du poisson, la nuit durant, “mais eux ne savaient pas que c’était Jésus” (v. 4).

– puis ensuite nommée par le disciple aimé, à l’adresse de Simon Pierre : “C’est le Seigneur” (v. 7). Cette identification prend quasi la forme d’une confession de foi. Le disciple bien-aimé arrive à donner son nom (et quel nom !) à cet homme qui vient de leur donner l’ordre de jeter les filets et auquel ils ont obéi sans rechigner, et bien leur en prit : “Ils jetèrent donc le filet, et cette fois ils n’arrivaient pas à le tirer, tellement il y avait de poissons” (v.6).

Mais qui est ce Seigneur ? Car c’est une chose de pouvoir lui décerner un titre, qui pourrait exprimer un certain savoir et une certaine prise sur Lui, autre chose d’avoir expérimenté et intériorisé de quoi se compose sa seigneurie, à Lui, unique, et si différente de celle de tous les autres seigneurs terrestres, qui le prouvent et manifestent par leur pouvoir, leur domination, leur manière de traiter des affaires courantes et des autres aussi… Leur Seigneur, le connaissent-ils ? Savent-ils encore de quoi fut faite leur relation, sur quoi a porté son enseignement, ce que ses nombreux signes ont tenté de leur dévoiler ? 

Deuxième remarque : quel Seigneur est Jésus ressuscité ? 

(1) … un Seigneur qui l’est de se manifester en rejoignant ses disciples au plus près de leur quotidien, dans leur expérience et besoin d’aller pêcher, pour se nourrir, vivre et subsister, sur la mer de Tibériade. Leur savoir-faire, leur barque, leur filet : tout est là de leur métier d’avant, aux pêcheurs de Galilée.

(2) … un Seigneur qui l’est de rejoindre ses disciples en un besoin encore plus essentiel, qu’éprouvent tous les humains et qui fait d’eux des humains parmi les humains : le besoin de nourriture. C’est la première parole qu’il leur adresse : “Petits-enfants, avez-vous quelque nourriture ?” (v.5). Réponse : “Non”. Qui donc a besoin de manger, qui va manger dans ce récit ? Non pas Jésus qui, dans la suite du récit, ne mangera pas, mais bien les disciples dont il s’approche : “Il prend le pain et le leur donne ; et de même pour le menu-poisson” (v.14).

  • Cette pêche ne veut donc ni impressionner ni épater son monde ! On est loin de tout miraculeux spectaculaire. En sa parole efficace, Jésus pose un signe, que le disciple-aimé est capable de lire et d’interpréter, en saisissant le lien qui se noue entre la nuit de pêche infructueuse et la parole d’ordre qui produit son efficacité. Celui qui a parlé, c’est le Seigneur. La capacité de lire les figures s’était déjà manifestée à l’œuvre chez le disciple bien-aimé au matin de la résurrection, quand, entrant après Simon Pierre dans le tombeau, le texte nous dit qu’“il vit et il crut” (20, 8).
  • Cette pêche ne vise pas non plus directement la réalisation du repas. Jésus demande certes à ses disciples d’apporter le menu-poisson qu’ils viennent de prendre (et qui s’avère être 153 gros poissons !), mais ce qu’il prend pour le leur donner, c’est le pain et le menu-poisson grillé au feu de braise disposé là, depuis un moment déjà sur la rive, à ses côtés.

Troisième remarque : le repas du pain et des poissons multipliés 

Ce repas de Jésus en rappelle un autre, offert en Galilée déjà et narré au chapitre 6, 8-12, celui de la multiplication des pains et des poissons : “08 Un de ses disciples, André, le frère de Simon-Pierre, lui dit : 09 « Il y a là un jeune garçon qui a cinq pains d’orge et deux poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » 10 Jésus dit : « Faites asseoir les gens. » Il y avait beaucoup d’herbe à cet endroit. Ils s’assirent donc, au nombre d’environ cinq mille hommes. 11 Alors Jésus prit les pains et, après avoir rendu grâce, il les distribua aux convives ; il leur donna aussi du menu-poisson, autant qu’ils en voulaient.

12 Quand ils eurent mangé à leur faim, il dit à ses disciples : « Rassemblez les morceaux en surplus, pour que rien ne se perde. » 13 Ils les rassemblèrent, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux des cinq pains d’orge, restés en surplus pour ceux qui prenaient cette nourriture. 14 À la vue du signe que Jésus avait accompli, les gens disaient : « C’est vraiment lui le Prophète annoncé, celui qui vient dans le monde. »

Du chapitre 6 au chapitre 21, on passe d’une nourriture offerte par Jésus à environ cinq mille hommes à une nourriture prise et donnée à sept de ses disciples. Mais dans les deux cas, c’est des hommes, de ses disciples, dont Jésus prend soin, qu’il nourrit, dont il comble la faim en s’occupant de leur ventre vide. Ce “faire signe” opéré par Jésus Seigneur pointe du côté de l’hospitalité de la table, de la nourriture commune. Parce qu’il est le Seigneur, c’est la part des frères qui lui importe, en solidaire partage.

Lui qui, peu avant sa passion, s’était déjà fait reconnaître en sa qualité de Seigneur et de Maître en lavant les pieds de ses disciples (Jean 13), ici encore, c’est en tant que Seigneur qu’il “s’approche, prend le pain et le leur donne, et fait de même pour le menu-poisson” (21,13). Le Seigneur serviteur est maître du repas, nourricier, occupé d’abord du soin des “petits-enfants” que tous nous sommes invités à être, quelque fonction que nous occupions et quelque âge que nous ayons.

Sœur Isabelle Donegani