Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
2e semaine de l'Avent

Siracide 48,1-4.9-11 et Matthieu 17,10-13

En cet Avent de passion

Le bref évangile de ce jour (Mt 17,10-13) forme un diptyque avec le récit de la Transfiguration qui le précède, au chapitre 17 de l’Evangile selon Matthieu. Jésus vient d’interdire aux trois disciples de parler de cette vision glorieuse à personne, “jusqu’à ce que le fils de l’homme soit réveillé d’entre les morts” (v. 9). Et voilà que tout se passe alors comme si, d’avoir vu Elie (avec Jésus et Moïse) en gloire sur la montagne et d’avoir entendu parler de résurrection des morts (alors que, selon la tradition, Elie précisément n’est pas mort, mais est monté au ciel dans un char de feu ; cf. 2 Rois 2,1-18 ; Malachie 48,9) avait creusé dans les disciples la soif de mieux saisir ce qu’il en est de la venue d’Elie. D’où leur question à Jésus : “Que disent donc les scribes (en disant) : Elie doit venir d’abord ?” (v. 10). 

Jésus, dans sa réponse, va creuser et dilater leur questionnement. Observons comment.

  • D’abord en ne réfutant pas la tradition rapportée par les scribes : “Certes Elie vient et il rétablira tout”, dit-il. Remarquons les nuances que Jésus commence à apporter : Elie ne revient pas, il “vient”, et c’est tout autre chose qu’une répétition ou un retour du connu. Son action sera un rétablissement, mais de quoi, Jésus ne le dit pas : “tout” indique une remise en ordre qui visera l’entier du créé, la totalité de ce qui est. Déjà, l’on perçoit que c’est beaucoup (trop ?) pour un homme, fut-il le prophète Elie tel que célébré dans sa force et puissance dans le livre du Siracide : “Comme tu es redoutable, Elie, dans tes prodiges ! Qui pourrait se glorifier d’être ton égal ?” (Si 48,4).

  • Puis en s’écartant de la tradition : alors que les scribes parlent, les disciples ont à l’écouter, lui (cf. le “Ecoutez-le” de la voix de la nuée, Mt 17,5), dans son “cependant je vous dis”. L’on s’attend à du neuf, mais ce n’est que du semi-neuf. “Elie est déjà venu”, dit Jésus : c’est bien du passé. Mais c’est aussi du semi-neuf au sens où déjà Jésus avait dit aux foules au sujet de Jean le Baptiste : “Et si vous voulez l’admettre, c’est lui l’Elie qui doit venir. Que celui qui a des oreilles entende !” (Mt 11,14-15). La mémoire des disciples s’éveille-t-elle déjà un peu ici, à cette parole de Jésus qui ravive l’écoute de paroles antécédentes ?

  • Jésus note pourtant : “Ils ne l’ont pas reconnu”. L’attente du peuple ne s’est pas traduite en reconnaissance explicite. Cela indique bien la difficulté qu’il y a à reconnaître quelqu’un qui ne peut “revenir”, sauf à en discerner les traits sous la figure d’un autre. Accueillir en quelqu’un le nouvel Elie ne peut aller de soi, tant s’en faut.

  • La parole de Jésus fait alors entendre un total renversement de perspective : “Mais ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu”. Alors que l’on attendait un Elie acteur, il a été totalement passif, et mis sous la coupe de l’agir d’autrui. “Tout ce qu’ils ont voulu” fait peur, on peut tout imaginer, et surtout le pire, d’un vouloir laissé sans limitation ni mesure. Ce que Jésus révèle ici, c’est qu’il ne s’est pas passé, à la venue d’Elie, ce que les scribes et la tradition attendaient : au lieu d’être l’agent de multiples actions (apaiser la colère de Dieu avant qu’elle n’éclate, ramener les cœurs des pères vers les fils, rétablir les tribus de Jacob, comme l’annonçait Siracide 48,10), Elie n’a fait que subir les assauts d’une volonté débridée. Entre l’attente et sa réalisation, un renversement total s’est produit, une sorte de “transfiguration” à l’envers a eu lieu, commise par des humains devenus fous.

  • Et Jésus termine en disant : “De même aussi le fils de l’homme va souffrir par eux”. Son ultime parole fait écho à l’interdit posé aux disciples de ne pas parler sur le champ de la vision en gloire. Oui, d’abord, oui avant l’expérience de la résurrection, la souffrance et la mort s’inviteront sur le chemin du fils de l’homme. Les prophètes en ont tous fait l’expérience, Jean déjà l’a connu (décapité qu’il a été, dans sa prison, cf. Mt 14,3-12, et Jésus bientôt va vivre lui aussi sa passion et sa crucifixion, en y déposant sa vie.

A la vision, sur la montagne de la transfiguration, de Jésus avec Elie et Moïse en gloire, que manquait-il donc, pour que Jésus demande aux disciples de la taire encore ? – Il manquait ce que ce second volet du diptyque nous signale : les stigmates d’une vie confrontée à la souffrance et à la mort. En dehors d’elles, parler de vie éternelle et de résurrection n’a aucun sens et ne peut que causer de multiples malentendus.

Le mystère pascal s’invite donc aujourd’hui en notre chemin d’Avent. Il nous convie, au plus concret de notre existence, à l’apprentissage d’une danse de l’obéissance (Madeleine Delbrêl) qui ne fasse pas fi de la patience et de la passion des jours. La vie est poème, elle est danse : danse de passion, de passion glorieuse des humains apprenant à écouter le Fils bien-aimé leur indiquer le chemin de leur propre accomplissement : devenir fils dans le Fils, être accueillis, en Lui, dans la relation qui unit le Père et le Fils.

Lumineuse joie de Pâques, intense chemin d’Avent. Entrer dans cette danse, c’est épouser notre chemin de fils d’homme, nous aussi. Avec confiance, en cet Avent particulier, souffrant. Dans l’assurance de Celui qui vient.

Sr Isabelle Donegani