Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Soeur Adrienne Barras

Commentaire de la Parole
12e semaine du t.o. A

Matthieu 6,33-7,5

Avec le chapitre 7 de l’évangile selon Matthieu, nous poursuivons la traversée du premier grand discours de Jésus où il annonce que le Royaume des Cieux est là (Mt 5, 3.10). Cette venue coïncide avec celle de Jésus. Tout l’évangile, les paroles et les actes de Jésus, sa vie jusqu’à sa mort sur la croix en sont la révélation.

C’est bien dans cette perspective qu’à la fin du chapitre 6, Jésus nous mettre en garde contre les soucis de la vie (se nourrir, s’abreuver, se vêtir v. 31) lorsqu’ils absorbent toutes nos énergies. Jésus définit une nouvelle priorité : Cherchez d’abord le Royaume et sa justice, et tout cela (la nourriture, la boisson, le vêtement) vous sera donné par surcroît (6, 33). Voilà ce qui doit nous occuper : la recherche du Royaume et de sa justice.

Une nouvelle thématique des relations entre frères (le mot est répété 3 fois) est envisagée dans les 5 versets suivants : celle du jugement. Avec tout de suite cette injonction sous forme d’interdiction : ne jugez pas pour ne pas être jugés (7,1). En effet lorsque nous sommes dans le jugement nous prétendons être aptes à discerner le vrai du faux, le bon du mauvais chez l’autre, le frère. C’est prétendre le connaître, croire que ce que je pense bon pour lui l’est réellement. C’est d’une certaine manière mettre la main sur lui, se l’approprier. Et, l’expérience le montre :  l’autre me « renvoie la balle » ; il me juge à son tour, souvent avec les instruments que je lui fournis : de la manière dont vous jugez, vous serez jugés ; de la mesure dont vous mesurez, on vous mesurera (v. 2). Nous sommes alors dans une relation de miroir (l’autre me renvoie l’image que j’ai de lui) qui ne peut conduire qu’à une impasse puisque nous ne sommes pas dans le réel d’une relation où chacun se montre et est accueilli comme il est.

Jésus poursuit, avec une certaine ironie : comment peux-tu juger de la paille qui est dans l’œil de ton frère et prétendre l’enlever alors que tu as une poutre dans ton œil ? (v. 3) Le contraste entre une menue paille et une poutre est saisissant et met en lumière la prétention absurde et insupportable de celui qui juge.

Cette prétention à juger révèle aussi une terrible illusion : celle de ne pas savoir que j’ai une poutre dans mon œil, de me croire au-dessus de la loi ou de me prendre pour la loi ; finalement de me prétendre hors humanité. Me prendre pour Dieu.

Mais qu’est-ce que cette poutre dans mon œil ? Nous l’avons dit : une poutre c’est incomparablement plus grand qu’une paille ! Mais aussi à la différence de la paille qui est un élément naturel, la poutre est un élément construit, fabriqué par une main d’homme. Avec cette image Jésus nous prévient que le regard de tout être humain, quel qu’il soit, est un regard construit. Ou dit autrement : nous voyons toujours à travers un prisme, celui de notre éducation, de notre culture, de nos préjugés, de notre histoire, etc. Notre regard est naturellement biaisé, orienté puisqu’on se regarde de poutre à poutre. Ce que Jésus dénonce ce n’est pas que nous ayons une poutre dans l’œil mais de faire comme si nous ne l’avions pas et donc de nous poser en juge des autres : hypocrite ! (v. 5). Ce qui pervertit les relations ce n’est pas le fait d’avoir une poutre dans l’œil mais de ne pas en être conscient.

Donc ne jugeons pas… Et que faire alors ? Enlève d’abord la poutre de ton œil ! (v. 5). Nous retrouvons la même indication de temps rencontré à la fin du chapitre 6 : Cherchez d’abord le Royaume et sa justice (6,33).  Enlever la poutre de son œil c’est sans doute une des manières de chercher le Royaume et sa justice et relève de la même urgence.

Enlever la poutre ce serait peut-être reconnaître que le regard que nous portons sur le frère, la sœur n’est jamais vierge et que nous sommes invité.e.s à la prudence et à la modestie : je me connais mal,  je connais mal mes frères et sœurs, ce qui est le cœur de leur singularité, ce qui est leur désir profond. C’est abandonner toute prétention à juger, c’est-à-dire renoncer à toute posture de supériorité.

S’avouer inaptes à juger c’est se reconnaître pauvres, limités. C’est alors qu’il nous est possible d’entrer dans une double dynamique : d’abord celle de la demande : “Demandez, il vous sera donné. Cherchez, vous trouverez. Frappez, il vous sera ouvert. En effet à qui demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, il lui sera ouvert”. (v. 7-8).

Et enfin celle du don : nous donnons, tout mauvais que nous sommes et nous commençons ainsi à connaître, à travers notre don limité et imparfait, “Celui qui ne peut donner que des bonnes choses à ceux qui le lui demandent” (v. 11).

Demander et donner : deux mouvements qui nous situent dans la vérité de notre être.

sœur Adrienne Barras