Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Adrienne Barras

Commentaire de la Parole
Jeudi de la 18e semaine t.o.

Matthieu 16, 13-23

Je me risque ce matin à dire quelques mots sur l’évangile que nous venons d’entendre. C’est un risque parce que c’est un passage que nous entendons souvent en liturgie, dans l’une ou l’autre version des synoptiques et qui est donc maintes fois commenté.

Je vous livre simplement ce qui m’a travaillée en le lisant pour aujourd’hui.

Nous sommes à un tournant dans l’évangile de Matthieu, celui où Jésus, prenant acte de la résistance croissante à son égard et des projets de mort que l’on fomente contre lui, va annoncer ouvertement sa passion à ses disciples : Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. (Mt 16, 21).

Précédant cette annonce, après avoir sondé ses disciples sur ce que disent les gens de lui, Jésus va en quelque sorte les sommer de s’engager en répondant eux-mêmes à cette question : Pour vous qui suis-je ? (16,15). Comme à d’autres occasions c’est Pierre (nommé pour la dernière fois de son double nom de Simon-Pierre) qui se fait le porte-parole du groupe : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! (16,16). Et Jésus de répondre : Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux (15,17).  Heureux…  mais pour quelle raison ? Ne nous y trompons pas :  ce n’est pas à cause d’une révélation personnelle, humaine (la chair et le sang) mais parce que cette révélation vient d’ailleurs (les cieux) et d’un Autre, le Père de Jésus : mon Père qui est aux cieux. C’est le Père et lui seul qui connaît le Fils, son identité profonde et qui peut le révéler à d’autres. Pierre est heureux parce qu’il est le bénéficiaire de la révélation du Père. Heureux/ses sommes-nous à la suite de Pierre de recevoir du Père cette même révélation !

Il ordonna à ses disciples de ne rien dire à personne que c’était lui le Christ (16,20) : il peut paraître étonnant qu’après une telle révélation, Jésus demande à ses disciples de n’en rien dire. C’est que dire juste ne suffit pas, même si cela nous est révélé par le Père. Dire juste ce n’est pas forcément penser juste : Pierre, comme chacun de nous, est habité par des représentations ambivalentes de Dieu et du Christ qui ont besoin de ce passage par le silence, le silence de l’écoute, pour être converties à l’Évangile, purifiées à son feu.

Alors Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. Pierre le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches : « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas ! (Mt 16, 21-22). Voilà que la représentation que Pierre se fait du Christ vole en éclats car elle n’intègre absolument pas la perspective du rejet, de la souffrance, de la mise à mort que Jésus annonce de lui ; cette perspective est impensable, insoutenable et se traduit dans la violence de la réaction de Pierre : Dieu t’en garde ! Cela ne t’arrivera pas ! (16,22).
C’est le choc de deux visions inconciliables ; Jésus le dit à Pierre : Passe derrière moi Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes (16,23). Il faut choisir son camp : celui de Satan ou celui de Dieu. Et ce qui se joue là est bien la représentation (ou comme le dit le texte la pensée) que nous avons de Dieu : du côté de Satan, la pensée fantasmée du pouvoir et de la toute-puissance ; de l’autre un il faut, ce projet mystérieux et nécessaire de Dieu qui comprend le rejet, la mise à mort du Fils. En un mot sa vulnérabilité et sa fragilité.

Pour vous qui suis-je ?
Comment pourrions-nous le savoir si nous ne consentons pas à un compagnonnage avec Lui qui nous défait des fantasmes de toute-puissance que nous lui attribuons ?
Comment le savoir sans nous mettre à l’écoute persévérante et humble de l’Évangile qui nous dévoile, à longueur de jour, l’humble visage du Serviteur, icône bouleversante d’un Autre, le Père des Cieux ?
Comment le savoir sans consentir à ne jamais savoir et à se taire pour se mettre à l’écoute, sans nous lasser, de la Parole et tout recevoir de Lui ?

 

Sr Adrienne Barras