Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Martyr de saint Maurice

Commentaire de la Parole
4e semaine de Pâques

Actes 12,24–13,5 et Jean 12,44-50

Dans la liturgie de l’Eglise, nous sommes aujourd’hui à peu près à mi-chemin entre la fête de Pâques et celle de Pentecôte. Et chaque jour, les récits que nous lisons nous invitent à pénétrer davantage dans la contemplation du mystère trinitaire de notre Dieu, et aussi dans celui de notre vie chrétienne.

Hier nous avons lu dans les Actes que « c’est à Antioche que pour la première fois on donna aux disciples le nom de chrétiens » (11,26). Le commentaire de Mgr Wintzer était judicieux : oui, ce ne sont pas les disciples eux-mêmes qui se donnèrent ce nom, en s’auto-proclamant “chrétiens”. Ils étaient occupés à autre chose qu’à se définir eux-mêmes, invités qu’ils avaient été par Jésus ressuscité à désormais vivre pour témoigner de Lui. Le nom de “chrétiens” leur était venu des païens d’Antioche, qui les avaient sans doute souvent entendu prononcer le nom du Christ. De ce point de vue, très extérieur, les “chrétiens” sont des adeptes du Christ, comme les “hérodiens” sont partisans d’Hérode, ou les “césariens” militants de César.

Le mot grec christianoi est d’ailleurs un diminutif, qui peut se traduire par quelque chose comme “petits-partisans-du-Christ”. Certains pensent même que c’est un sobriquet, un surnom familier donné par dérision pour se moquer d’eux. Peu importe. De toute manière, – et sans entrer dans une démarche faussement identitaire –, nous pouvons nous le demander : Qui sommes-nous, nous qui nous référons au Christ Jésus ? Quel désir nous habite, pour que nous placions le Christ au centre de notre vie ?

Les récits de ce temps pascal éclairent ce mystère. Vivre en “chrétiens” nous relie à cette confession de Jésus, disant : « Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10,30). De Jésus qui, dans l’évangile d’aujourd’hui, s’écrie : « Celui qui croit en moi, ce n’est pas en moi qu’il croit, mais en Celui qui m’a envoyé ; et celui qui me voit voit Celui qui m’a envoyé » (Jn 12,44-45).

Croire Jésus, c’est croire le Père qui l’a envoyé. Voir Jésus, c’est voir le Père qui l’a envoyé. Dans cette unité du Père et du Fils, Jésus peut affirmer : « Ce n’est pas de ma propre initiative que j’ai parlé : le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer…  Ce que je dis, comme le Père me l’a dit, ainsi je le dis. » (Jn 12,49-50).

La communion à cette intimité du Père et du Fils nous crée comme “chrétiens”, engagés à croire Jésus et à devenir, à travers lui, les auditeurs de la parole du Père.

Les Actes des Apôtres nous donnent à contempler une autre face encore de ce mystère. Barnabé et Saul sont membres d’une communauté d’église. Cela fait partie intégrante de leur vocation chrétienne. C’est dans l’Eglise, par le baptême célébré au nom du Seigneur Jésus, que chacun.e naît à sa « christianité », si l’on peut parler ainsi de l’“être chrétien”.

Mais ce n’est pas tout, et le texte des Actes de ce jour nous le met sous les yeux de manière exemplaire : toute communauté vit de l’œuvre de l’Esprit. C’est Lui le Seigneur de l’Eglise qu’Il crée par la foi en sa parole de Vie. Tout.e “chrétien.ne” l’est d’être parlé.e, mû.e et agi.e par le Souffle divin.

Le livre des Actes le souligne constamment : c’est l’Esprit qui fait parler les témoins du Ressuscité. Et dans le passage à peine lu, c’est l’Esprit encore qui intervient pour associer Barnabé et Saul à son œuvre. Car l’Esprit opère une création toujours en acte, un déconfinement permanent. L’église d’Antioche est sollicitée par l’Esprit pour “laisser partir” deux d’entre eux, afin qu’avec eux l’arche de la Parole poursuive sa route ; pour qu’à travers leur témoignage la tente de la rencontre, en repoussant ses piquets, puisse s’élargir et accueillir le nombre croissant de ceux et celles qui, en croyant Jésus, verront et entendrons le Père.

Vivre comme “chrétien”, c’est ainsi, dans l’Esprit, se laisser conformer à l’image du Fils et entrer en communion avec le Père. C’est une œuvre onéreuse. Elle demande de se laisser dessaisir de toute soif de convoitise, pour obéir à la Parole d’un Autre. Elle exige de l’être-ensemble communautaire qu’il ne soit confiné ni dans un délirante quête identitaire, ni dans un auto-référencement imaginaire, mais qu’il atteste de la communion de foi qui fonde son existence, en sortie.

La « christianité » ne peut être ni monolithique ni uniforme, encore moins confinée. Le Dieu de Jésus Christ témoigne, en sa création, de cet amour de l’autre qui constitue son être divin. Notre « être chrétien.ne » ne relève d’aucune certitude dogmatique ou morale, mais de notre configuration à ce mouvement missionnaire, cette marche à l’étoile dont notre Dieu nous donne l’exemple en Celui qu’il a envoyé, Lui qui n’a jamais eu où reposer sa tête, qui toujours a parcouru les chemins de Palestine en s’offrant, libre, à son prochain.

Depuis des semaines, l’épidémie de COVID-19 frappe notre planète. C’est une période difficile et usante, même pour nous qui vivons dans le cadre privilégié de La Pelouse. En cette période difficile, nous aussi sommes tenté.e.s de nous plaindre du confinement imposé par la pandémie. Pourtant, en écoutant les textes inspirés de ce temps pascal, nous sentons que monte en nous, en lieu et place d’une plainte, l’invitation à nous réjouir d’être appelé.e.s à vivre en déconfiné.e.s d’un évangile en sortie. Béni.e.s, nous le sommes, d’avoir pour Dieu le plus grand « Déconfineur » qui soit. Principe et Fin de tout élan créateur, Il ne cesse d’envoyer son Esprit pour que l’Eglise naisse et renaisse de sa parole de vie. Il répand son Esprit sur notre communauté aussi, pour qu’elle soit une communauté d’embarqué.e.s pour la mission, semeuse d’évangile et de fraternité. L’Esprit n’a pas fini d’inventer avec nous d’autres formes de présence et de témoignage, de liturgie et de service fraternel.

“Chrétien.ne.s”, nous désirons l’être, appelé.e.s que nous sommes à nous recevoir d’en-haut, de la vie qui vient d’en-haut. Nous le devenons par l’œuvre de l’Esprit que le Père et le Fils ne cessent de communiquer au monde. En eux, nous vivons. En eux, Pâques, Pentecôte et la Trinité ne forment qu’un seul et unique mystère, dont nous sommes.

Car « nous le confessons : chrétiens nous le sommes »[1], n’est-ce pas, nous aussi.

sœur Isabelle Donegani

 

[1] Confession de foi de saint Maurice devant l’empereur. Cf. Saint Eucher, Passion des Martyrs d’Agaune.