Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Adrienne Barras

Commentaire de la Parole
24 décembre 2020

2 Samuel 1-5.8b-12.14a.16 / Psaume 88 / Luc 1,67-79

Aujourd’hui, nous retrouvons Zacharie. Samedi dernier, Sr Adrienne mettait en évidence que Zacharie n’a pas cru la parole de Gabriel et se voit… privé de parole ! Il sera, pendant la grossesse d’Elisabeth, « gardant le silence ». Sr Adrienne nous partageait qu’elle voyait là une « chance offerte pour que la Parole d’un Autre, celle de Dieu, puisse être accueillie en sa vie et prendre sa vraie place. »

Nous voici, aujourd’hui, neuf mois plus tard. Le temps que la Parole prenne chair au plus profond de lui et qu’il consente à sa place dans l’histoire du Salut. Il peut alors donner le nom à son fils, ce nom qu’il reçoit d’un Autre et qu’il donne à son tour… « Jean », qui signifie « Dieu fait grâce ». Ces neuf mois nécessaires à l’engendrement ont permis à Zacharie de reconnaître que Dieu fait grâce, qu’Il fait grâce dans sa vie. Ce temps de gestation a permis à Zacharie de faire l’expérience que c’est de Dieu que la Vie se reçoit. Ce temps l’a rendu libre : libre de sa volonté de savoir, libre de ses doutes, libre de lui et de sa manière de voir les événements, confiant en cette Parole peu à peu engendrée en lui. Le voici libre pour la louange. Et il peut louer ce Dieu qui nous aime, sauve, fait grâce.

Le début de cette louange déploie comment Dieu nous visite, nous sauve. Presque tous les verbes de cette première partie désignent l’action de Dieu. Il « visite et rachète », Il « a fait surgir la force qui nous sauve », par le Salut, Il nous « arrache à l’ennemi », Il nous rend sans crainte, Il nous aime… Ce Salut nous est familier, trop sans doute. Nous oublions parfois que ce « nous » est fait de chacun, chacune de nous. Le Salut traverse les événements de nos vies, nos personnalités, nos traits de caractère, nos forces, nos fragilités. L’histoire du Salut n’est pas simplement un événement important qui marque nos vies. Cela nous traverse. Ce temps d’engendrement silencieux permet à Zacharie de faire l’expérience que Dieu fait grâce. La Parole de Salut est engendrée en lui, et il peut alors consentir à lui donner chair.

Le verbe « visiter » apparaissait au début du passage, montrant comment Dieu nous visite. Nous le retrouvons à la fin du texte : « pour donner à son peuple de connaître le salut par la rémission de ses péchés, grâce à la tendresse, à l’amour de notre Dieu, quand nous visite l’astre d’en-haut… » : désormais cette tendresse et cet amour se sont faites chair, ont un visage : Lui le Christ Seigneur.

Au cœur de ce cantique est évoquée la vocation de Jean-Baptiste qui est de préparer le chemin du Seigneur, de Celui qui vient illuminer toutes ténèbres. A la suite des prophètes des temps anciens, à la suite de Marie et Elisabeth, Zacharie et Joseph, Jean-Baptiste a sa place dans l’histoire du Salut, une place unique.

Pour Zacharie, ces neuf mois de silence gardé lui ont permis de discerner le Salut, la Vie, à l’œuvre dans sa vie et celle d’Elisabeth. Peu à peu, il a pu écouter la voix de l’Esprit en lui, il a pu entrer dans la foi… obéir à cette Parole engendrée en lui, lui donner corps.

En ces jours où nous allons méditer le Mystère de l’Incarnation, où nous allons contempler le Verbe fait chair, j’y vois un appel à prendre notre place au cœur de ce cantique. Appel à entrer dans le silence intérieur pour permettre à la Parole de prendre chair en nous. Appel à mettre, à notre tour, notre nom et notre vie au cœur de cette grande histoire du Salut.

Un jésuite, Michel Kobik, explique que les paroles de Zacharie indiquent un « avenir nouveau issu des entrailles de bonté de Dieu par la médiation des entrailles humaines d’Elisabeth et de Marie », que « le peuple de la nouvelle alliance naît des entrailles de Dieu et de l’homme, de l’actualité de l’Esprit dans la chair. »[1] Ainsi, chacun, chacune de nous est appelé à cela, à entrer dans l’alliance avec Lui en laissant la Vie être engendrée en chacune et par chacune de nos vies. Il s’agit d’écouter, de recevoir notre propre vocation, c’est-à-dire de quelle manière unique la Parole prend chair en notre propre chair.

En 1996, quelques jours avant l’enlèvement des frères, Christian de Chergé a donné une retraite intitulée « L’Eglise, c’est l’Incarnation continuée »[2]. J’aimerais reprendre cette formule et nous l’approprier pour dire que notre vie, notre humanité, notre corps, tout ce que nous sommes, c’est l’Incarnation continuée. L’Incarnation, ce Mystère que nous allons méditer ces prochains jours, ce Mystère que nous contemplons en regardant la crèche… cela doit toucher ce que nous sommes, nous appeler à laisser la Parole prendre chair au cœur de notre être. Comme Zacharie, être, par moments dans nos vies, « gardant le silence » pour que s’engendre en nous ce nom unique que nous avons à révéler au quotidien de nos vies.

 

[1] M. Kobik, Dis Marie, comment ça a commencé ? Evangile selon saint Luc ch. 1 et 2, éd. Parole et silence 2017, p. 105.

[2] Ch. de Chergé, L’invincible espérance, Bayard / Centurion, 1997, p. 289.

Sr Claire-Isabelle Siegrist