Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
30e semaine du t.o. A

Ephésiens 4,32-5,8 et Luc 13,10-17

Je vous propose d’en rester, ce jour, à l’évangile. Avec Jésus en train d’enseigner, nous sommes dans une synagogue, un sabbat (Luc 13,10). De quoi est fait son enseignement ?, nous l’ignorons. Portait-il sur le sabbat, son sens, la juste observance de ce commandement mosaïque (cf. Ex 20,8-11 ; Dt 5,12) ?, rien ne le dit. Mais de fait ce récit fonctionne comme tel à notre égard : nous y recevons un enseignement nouveau sur le sabbat et ce qui s’y joue en vérité, à l’heure où enseigne et agit “le fils de l’homme” qui s’est présenté il y a peu lui-même dans l’évangile de Luc comme “le seigneur du sabbat” (6,5). Regardons cela de plus près.

Jésus enseigne, et voilà “une femme qui avait un esprit d’infirmité depuis dix-huit ans” (13,11). Son état physique est marqué par un affaissement du tronc, de son buste : “elle était toute courbée”. Depuis dix-huit ans, “elle ne pouvait plus du tout se redresser”, dit le texte. Cette posture, pliée, inclinée vers le sol, fait contraste avec la station debout, en statique redressée, qui permet à l’humain de se déployer entre terre et ciel, dans une verticale qui relie les polarités du haut et du bas de son corps. Toute recourbée à terre, la femme est réduite à une position plus proche de celle d’un animal (relié au sol par ses quatre pattes) que d’un humain.

Jésus la voit. Et il donne de la voix pour l’appeler à lui et lui parler. Son enseignement trouve dès lors à s’incarner dans ses mots et son geste. Les mots, très directs, déclarent une transformation réalisée qui se prolonge : “Femme, tu es déliée de ton infirmité” (13,12). Le geste qui suit (“il lui imposa les mains”) indique pour le moins un rapprochement des corps. De cet alliage entre parole et geste advient, “aussitôt”, qu’“elle fut remise droite”. A l’instant même, la voici réinstaurée dans une posture correcte, droite, verticale, et dans une parole forte et durable (sens de l’imparfait) : “elle glorifiait Dieu” (13,13). Elle reconnaît, dans l’agir de Jésus, l’action d’un Autre, – Dieu –, qu’elle nomme et glorifie comme l’origine de son rétablissement. A la fin du récit, ce sera au tour de “toute la foule” de se réjouir “de toutes les choses glorieuses” qui advenaient par Jésus (13,17).

Le chef de synagogue, indigné que Jésus ait guéri un sabbat, intervient. Il ne se tourne pourtant pas vers Jésus, mais vers la foule, qu’il invective : “Il y a six jours pendant lesquels il faut œuvrer, venez donc ces jours-là vous faire guérir, et non le jour du sabbat !” (13,14).

Il y a de quoi être étonné :

  • D’abord par le fait que la guérison de la femme ne retienne aucunement son attention, ne soit l’occasion chez lui d’aucun questionnement, pas plus que d’une quelconque reconnaissance de l’acte opéré par Jésus ;
  • Aussi par le fait qu’au lieu de chasser la foule, le chef de synagogue l’invite à rejoindre Jésus, autant qu’elle le veut, tout au long des six jours pendant lesquels “il faut œuvrer”, dit-il. “Il le faut” : c’est dire qu’il y a nécessité à cela. Guérir, c’est œuvrer le bien, et six jours sont prévus pour le réaliser.
  • Mais par contre, non, “pas le jour du sabbat”. Ce jour semble avoir été retiré du calendrier officiel religieux des œuvres permises, au rang desquelles sont répertoriées les guérisons.

La réponse est celle de Jésus en tant que “Seigneur”. Comme tel, il a toute autorité et pleine légitimité pour interpréter la loi sabbatique et sa signification. Mais Jésus ici n’assène aucun argument d’autorité. Au chef de synagogue et à ceux qui semblent faire corps avec lui dans l’opposition à Jésus (et seront bientôt appelés ses “adversaires”), Jésus ne fait que rappeler leur propre comportement. Relativement à son bœuf ou son âne, ses animaux domestiques, chacun ne s’autorise-t-il pas sans autre à le “délier de sa mangeoire pour l’emmener boire ?”  Le sabbat aussi, les bêtes ont soif et il faut que chacun accomplisse son devoir envers elles. “Hypocrites”, leur dit Jésus, “et celle-ci… que le Satan a liée voici dix et huit ans, ne fallait-il pas qu’elle soit déliée de ce lien le jour du sabbat ?”

Pour le Seigneur, le jour du sabbat est, dans la série des jours, non celui qui interdit mais qui exige de “délier” de l’emprise de Satan. Cette femme est “fille d’Abraham”. Il n’est pas dans la vocation des fils et filles d’Abraham d’être ligotés par le Satan, mais il est de celle du Seigneur Jésus, au nom de Dieu, d’œuvrer leur libération. D’achever en eux l’œuvre de création que le Satan défigure. De parachever l’œuvre de libération promise à tout fils d’humain en tant que fils d’Abraham, inscrit dans la génération d’Abraham, selon la parole et la promesse faite à Abraham.

Seul un sabbat postulant et incluant l’accès à l’intégrité de l’humain doit être gardé, et observé. Il la faut droite, cette femme prostrée et muette ; il la faut glorifiant Dieu, pour que le Seigneur puisse confesser, comme au soir du 6ème jour de la création que “cela est très bon” (Genèse 1,31).

Jésus n’est rien venu enseigner d’autre, dans la synagogue, que ce nécessaire accomplissement du sabbat dans la vie des humains. Sa parole et son agir préludent et préfigurent ce qu’il en sera de lui-même, en sa propre résurrection, œuvre de Dieu le Père le libérant ultimement des liens de la mort et des enfers.

Les adversaires de Jésus ont vu l’agir de Dieu à l’œuvre sous leurs yeux, et leurs théories légalistes se sont effondrées en eux, les laissant couverts de honte. La foule, elle, a su s’en réjouir. En Jésus et par lui, le fils de l’homme est Seigneur du sabbat.

Réjouissons-nous : la gloire de Dieu, son sabbat, c’est l’homme vivant !

sœur Isabelle Donegani