Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Soeur Jacqueline Loretan

Commentaire de la Parole
Jeudi de la 24e semaine t.o.

1 Timothée 4, 12-16 et Luc 7, 36-50

Quelle beauté, quelle grandeur, dans cette rencontre du Christ avec la femme pécheresse. Echange sans paroles, car chaque geste de cette femme dit son poids de repentir, de tendresse, de vénération. Et Jésus comprend tout, retient tout.
A nous aussi, il suffit de regarder, d’écouter ce récit parfait en sa forme. Vouloir le commenter, l’analyser risque presque de le défaire, de nous distraire. Et pourtant, dans sa méditation (cf. Magnificat), Eloi Leclerc sait nous toucher en parlant d’une « expérience bouleversante d’une grâce qui dépasse toute loi et précède tout mérite. »

Car bouleversement il y a. D’abord dans le fait que pour une fois, Jésus est en bonne compagnie chez un pharisien qui l’invite à sa table, alors que nous l’avons vu plus souvent manger avec les pécheurs et les publicains. Il n’y perd rien, car le monde des exclus le rejoint aussitôt dans la personne d’une femme, d’une pécheresse publique. Par sa vie de prostituée, elle a appris à ne plus se soucier de ce que disent les gens, les bienpensants. Le texte dit simplement qu’elle survint. Elle se place aux pieds de Jésus sans prévenir ni demander, créant ainsi un contraste frappant avec l’entourage des “gens bien“. Elle y va droit à son affaire, sûre de ne pas être repoussée par cet homme Jésus aux paroles vraies et libres, au regard doux mais pénétrant.
Conscient d’un certain malaise, Jésus s’adresse avec une parfaite politesse à son hôte Simon. Pour cela, il se sert comme si souvent d’une parabole, qui a plus de chance d’atteindre son but qu’un discours trop direct. Le Pharisien en tout cas comprend parfaitement l’histoire des deux débiteurs. Ceci étant acquis, Jésus peut passer à la situation concrète et très gênante de la femme aux gestes déconcertants, là à ses pieds.
Contrairement à ce que pensait son interlocuteur, Jésus non seulement sait parfaitement qui elle est, mais il la fait exister et ose la lui présenter en exemple : « Tu vois cette femme ? »
Enumérant un à un les gestes d’attention de la pécheresse, il lui fait remarquer ce qui manquait à son hospitalité : « Tu ne m’as pas versé d’eau sur les pieds, mais elle les a mouillés par ses larmes. », etc.  Elle n’est d’ailleurs déjà plus pécheresse, mais femme sauvée, pardonnée, debout et en paix, ayant montré beaucoup d’amour.

« Tu vois cette femme ? » Vraiment, elle mérite d’être vue, et d’être bien vue. Comme l’exprime Saint-Exupéry dans son “Petit Prince“ : « On ne voit bien qu’avec le cœur ».
N’est-ce pas du même coup à nous, au pharisien en nous, que le Christ désire enseigner l’art de regarder avec le cœur ?

Est-ce que nous sommes conscients que, même si nous connaissons très bien quelqu’un, il y aura toujours quelque chose qui nous échappera ? Oui, l’autre nous échappera toujours, et tant mieux. Il en va pour nos proches comme pour cette femme qui ne se réduisait pas à sa vie passée. Le Christ nous apprend à donner à l’autre la chance de son devenir, la chance d’être sauvé, d’évoluer avec la grâce, celle-là même que nous expérimentons pour nous-mêmes.
Qu’il est bon de laisser planer comme un voile de secret et d’inconnu, telle une “auréole potentielle“ autour de ceux que nous croyons connaître parfaitement.

Selon la célèbre formule de Paul Baudiquey :

« Les vrais, les seuls regards d'amour sont ceux qui nous espèrent,
qui nous envisagent au lieu de nous dévisager. »

Sœur Jacqueline Loretan