Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
1ère semaine de l'Avent

Romains 10,9-18 et Matthieu 4,18-22

Vers toute la terre est sortie leur voix !

Avec l’Eglise, nous faisons mémoire aujourd’hui de saint André, disciple et apôtre du Seigneur. Nous en profitons pour souhaiter une belle fête à sœur Andréa, et dire notre communion à nos sœurs en quarantaine dans leurs chambres. La Parole ne connaît pas de frontière. Elle s’invite partout, bien au-delà de nos espaces visibles et mesurables. Ensemble, nous écoutons les textes de la liturgie. Ensemble, nous nous ouvrons à cette visite du Seigneur en sa Parole.

Aujourd’hui, nous entendons un extrait du chapitre 10 de l’Epître aux Romains. Paul, apôtre lui aussi, par vocation et par révélation, s’y fait le chantre et le penseur de l’évangélisation, de la mission. Et pour cela, il va à l’essentiel. Suivons-le dans sa parole, ferme et ardente.

Qu’est-ce qui sauve les humains de leurs enfermements, de leurs refus, de l’obscurité des ténèbres et ultimement de la mort ? Non pas la loi de Moïse, dit Paul, mais « Christ, qui est l’achèvement de la loi ». Christ qui justifie celui qui croit (Rm 10,4). Nul homme n’a sa justice en lui-même, nul ne peut se justifier lui-même : aucun mérite ne le peut, aucun acte ou pensée méritoire. Seule l’ouverture de foi au Christ Jésus sauve, martèle l’Apôtre.

Car c’est cet acte d’ouverture nommé « la foi » qui, mystérieusement mais très réellement, ouvre à l’énergie de (ré)surrection, ce relèvement premier qui a éveillé Jésus lui-même d’entre les morts (Rm 10,9). Le salut se reçoit de cet éveil participé. Le salut se vit aux profondeurs de l’être, dans notre “cœur”, dit Paul. Il touche et guérit le lieu intime en nous de notre vérité, de notre liberté, de notre volonté : le cœur.

Paul dira alors aussi que c’est d’“invoquer le Nom du Seigneur” qui sauve, reprenant à son compte la parole du prophète Jonas (3,5). Car invoquer le Nom, c’est se mettre sous l’agir de la Parole du Seigneur, c’est se tourner vers Lui comme ultime source et partenaire de vie de tout être et de tout notre être. C’est aussi l’annonce du Nom qui sauve. Pas magiquement, dans un “abracadabra” merveilleux qui nous débarrasserait de tous nos poids et fardeaux, mais par le travail de ce Nom, de cette Personne, en soi, à travers soi, pour soi.

Mais alors, la question rebondit, car comment l’invoquer, ce Nom, si d’abord on n’a pas cru en lui ?, dit Paul. Croire est un acte singulier, personnel, unique. C’est le lieu d’incandescence intérieure d’une relation au Seigneur, d’un échange et d’une vie qui vibrent, entre nous et Lui, entre Lui et nous.

Dès lors, nouvelle question : comment croire en Lui, si on ne l’a pas entendu ? Car oui, la foi naît de l’écoute. Elle est l’écoute, profonde : adhésion et relation vivante à l’Autre, au Nom de l’Autre.

Ainsi, nouvelle interrogation : comment écouter, si personne ne proclame ? Nous touchons là au mystère de ce qui se vit entre nous les humains, de ce que le Seigneur a voulu, permis et servi aussi en acceptant que la parole qui suscite la foi ne soit pas un météorite tombant du ciel tout fait, une sorte de message pré-emballé tout cousu de fil blanc, mais que la parole de salut passe d’homme à d’homme, entre nous, de la bouche de l’un au cœur de l’autre, et ainsi se donne et germe en chacun.e, de proche en proche. C’est la vocation de toute parole de nourrir et faire vivre, c’est le trajet et la modalité de nos échanges parlés qu’emprunte la Parole de Dieu pour venir à nous et en nous. Elle a besoin de cette médiation de nos paroles. Il s’y inscrit, elle s’y enfouit. Il faut dès lors que quelqu’un soit là, en son corps, debout, témoin de cette parole, pour qu’elle circule et se donne à entendre. Paul parle ici de “quelqu’un qui proclame”, d’un sujet de la proclamation, donnant à ce verbe “proclamer” le sens fort de “porter le kérygme” : entendons l’annonce de foi, la proclamation du Seigneur, le service de l’annonce de son Nom.

Et le questionnement de rebondir une nouvelle fois, car “comment proclamer”, dit l’Apôtre, “sans être envoyé ?” (Rm 10, 15). Il faut un amont à la proclamation. Il faut que la proclamation s’adosse à autre qu’elle-même. Le témoin, le missionnaire, l’apôtre n’est pas source de la parole qu’il profère. Ce n’est pas de lui qu’elle tient son autorité, mais d’un Autre. Lui et la parole qu’il sert répondent à un envoi, un apostolat dont seul Dieu est l’origine. Pour que parole de foi et adhésion de foi adviennent, le Seigneur doit en être le mandataire.

Ainsi va la vie, ainsi en va-t-il du salut des humains, sous le regard du Nom. Ce Nom qui s’incarne et prend visage d’une chaîne de témoins du Royaume, de ce Dieu qui donne parole à la terre en lui donnant son Fils, en médiatisant sa Parole à travers Lui et à travers ceux qui la proclament, ceux qui l’entendent, ceux qui croient cette parole, la laissant les “piquer au cœur” (comme dit le livre des Actes, suite au discours de Pierre à Pentecôte, Ac 2,37) et pouvant dès lors invoquer le Nom, et vivre ce salut qui est vie, qui est joie, qui est libération de tous les jougs mensongers, de toutes les contre-façons de vivre.

André, avant d’être apôtre, martyr de l’Eglise du Christ, déclaré saint et vénéré comme patron de l’Eglise d’Orient, a éprouvé lui-même, et de manière singulière, ce que c’est que d’être rencontré et parlé par le Seigneur de vie. Sur le rivage de la mer de Galilée, un jour de pêche ordinaire, lui le frère de Simon a été vu par Jésus, en marche pour annoncer le Royaume de Dieu devenu tout proche. C’est l’évangile de cette fête (Matthieu 4,18-22). L’appel d’André lui a été adressé par Jésus se faisant le proclamateur de la Parole. La présence de Celui qui proclame en y étant autorisé par son Père, la présence du Fils de Dieu sur le rivage de la mer, voilà ce qui a touché les deux frères. Convoqués par le Fils à “venir derrière lui”, ils l’ont suivi aussitôt (4,20). Rien que ça, tout de go ! Non sans que Jésus leur ait livré ce secret, en forme de promesse : “Je vous ferai pêcheurs d’hommes”. Rien que ça, tout de go ! C’est bien Lui qui les enverra. Matthieu le donnera à lire (chapitre 10,1-5) quand ils seront nommés envoyés, littéralement d’“apôtres” (apostoloi, en grec). 

Leur mission consistera à proclamer le royaume, en ayant autorité sur les esprits impurs, pour les chasser et guérir toute maladie et toute débilité. Il y a des maladies et des faiblesses dont seule la parole délivre et sauve. Les envoyés de Jésus participent de sa mission de délivrance.

Le ministère d’André, et de tant d’autres après lui, hommes et femmes, a permis et permet que « vers toute la terre est sortie leur voix, et leurs paroles vers les confins de l’univers » (Rm 10,18 réinterprétant le Psaume 18,5 où ce sont les « cieux qui racontent la gloire de Dieu »). “Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent de bonnes nouvelles !”, s’exclame Paul (Rm 10,15). Partout où l’évangile est proclamé, entendu, cru, des corps se lèvent, des pieds s’avancent pour dire à leur tour à tous le salut offert, la vie ouverte, le don sans mesure de l’amour du Seigneur de l’univers.

Que nous soyons assis dans cette chapelle, ou cloîtrées comme plusieurs de nos sœurs dans leurs chambres (quarantaine oblige) ou en quelque autre lieu sur la terre, la parole s’invite à la table de notre cœur. Qu’elle nous “pique” au cœur, nous aussi, et nous traverse assez aimablement, ardemment, durablement pour que l’ouverture se fasse en nous (toujours à accueillir, toujours à consentir) où nous nous laisserons rejoindre et sauver par le Nom, par la Présence, par l’agir de Celui qui rassemble ses fils et ses fils en “jetant sur eux”, par d’innombrables apôtres, les filets de sa belle et bonne Parole.

Oui, heureux serons-nous alors d’être ainsi réunis, au Nom du Seigneur, dans son Corps qui vient.

  

Sr Isabelle Donegani