Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
24e semaine du t.o. A

1 Corinthiens 15,12-20 et Luc 8,1-3

Si l’évangile d’hier nous donnait à entendre le récit de la femme pécheresse et pardonnée (Luc 7,36-50), celui d’aujourd’hui évoque l’entourage de Jésus (8,1-3). Il est composé de deux groupes, que je nous invite à regarder de plus près.

Le premier, ce sont “les Douze”. Les désigner ainsi fait mémoire de l’acte d’institution par lequel Jésus les a choisis et voulus comme “Douze”. Leur nom porte désormais la marque de ce libre choix de Jésus et de sa volonté de leur attribuer une identité particulière, couplée à leur mission d’“apôtres” (voir 6,12-16).  

Le second groupe se compose de “quelques femmes”, dit le texte (gunai, en grec). L’évangéliste souligne qu’elles reviennent de loin : elles “étaient guéries d’esprits mauvais et d’infirmités” (8,2). A la différence des Douze, qui sont là à titre d’appelés choisis par Jésus, les femmes le sont d’avoir connu le grand malheur de la maladie, de s’être approchées de Jésus de leur propre initiative et d’avoir été destinataires de ses actes de puissance (voir aussi déjà 6,18-19). Ni choisies ni instituées par Jésus, elles ont par contre bénéficié de l’effet de sa parole sur les esprits et les corps, une parole qui délivre, rétablit et fait œuvre de véritable recréation.

Ces femmes sont “nombreuses”, dit le texte, mais de trois d’entre elles seulement nous connaissons le nom : Marie, Jeanne et Suzanne. De “Marie”, qui porte le même nom que la mère de Jésus, il est précisé qu’elle est “celle appelée Magdalène”. C’est son origine qui est par là soulignée : le village de Magdala, situé au nord de Tibériade, sur les bords du lac de Guennésareth. Le texte fait en quelque sorte de Marie la Magdaléenne l’icône de ce groupe de femmes, puisqu’il est rapporté que “d’elle étaient sortis sept démons”. Sans être en rien une femme pécheresse, Marie de Magdala a bel et bien été malmenée et abusée par une horde de puissances démoniaques.

En plus de Marie, Jeanne et Suzanne, il y a encore “beaucoup d’autres femmes”, nous dit le texte, sobrement, mais non sans ajouter un trait important qui définit le lien qui les relie à Jésus et aux Douze : “elles les assistaient de leurs biens”.

Le grec use du verbe diakoneô. On peut le traduire par “servir, aider, assister”. Il a donné en français le mot “diacre”. Ces femmes officient donc comme “diaconesses”, non pas auprès de pauvres ou de déshérités de la région, mais au bénéfice de Jésus et des Douze. Mécènes et bienfaitrices, elles soutiennent de “leurs biens” (leurs fortunes et ressources financières) la caravane de Jésus sillonnant la terre de Palestine.

Arrêtons-nous un instant pour tenter de spécifier ce qui caractérise les deux groupes en présence :  

  • Celui “des Douze” a été voulu et institué comme tel par Jésus, il a été choisi, nombré et nommé tel par Lui.
  • Celui “des femmes” paraît plus informel, spontané, plus incarné aussi. Elles ont en commun d’avoir été rejointes par Jésus jusque dans leurs failles et blessures les plus intimes, et guéries par lui. Ainsi transformé,– on peut se l’imaginer –, leur être s’est trouvé convoqué à une existence et une forme de présence aux autres toute informée par cette expérience très personnelle. La première nommée, Marie de Magdala, l’a vécu au plus profond de sa chair, en son esprit. Et avec Jeanne, Suzanne et bien d’autres, celle qui assure la bonne marche du groupe, lui permettant de servir l’annonce du règne de Dieu, lui offre surtout d’être modelé et informé, jusqu’en sa propre chair, de ce qu’il en est du règne d’un Dieu qui sauve, oui, et recrée en profondeur l’humanité défigurée.

Dans l’évangile, nous retrouverons ces femmes venues de Galilée au moment de la passion de Jésus. Quand il sera cloué en croix, elles seules sauront se tenir à proximité, et regarder comment son corps est déposé au tombeau. Elles seules encore interviendront, s’en allant de bon matin honorer la dépouille de leur Maître. Autant dire que leur expérience intime, leur vécu humain, leur compassion et capacité de prendre soin de l’autre leur permettront d’être bien là, présentes, en ces moments de trouble et de doute que fuiront les Douze et les disciples hommes.

Quand il est question de vie et de mort, les femmes des évangiles répondent présent, et agissent. Leur action atteste un respect des corps, et aussi une attente intérieure, une intuition déjà toute orientée vers une mort qui doit être dépassée, une vie qui ne peut s’abîmer là, dans un cadavre se décomposant en poussière, une espérance enfouie au cœur de l’humanité désirant, depuis la nuit des temps, la vie, et la vie pour toujours.

C’est cette foi en la résurrection que Paul proclame haut et fort dans sa première lettre aux Corinthiens. Notons cette formulation, étonnante : “S’il n’y a pas de relèvement des morts, Christ non plus n’est pas réveillé” (1 Co 15,13). C’est au cœur du relèvement de tous, universel, que l’éveil du Christ trouve à s’ancrer, et c’est ce relèvement qu’il vient habiter de sa présence et accomplir. Jésus est la Tête et les humains sont les membres de ce seul et unique Corps tout entier traversé, au principe, par la résurrection du Premier-né d’entre les morts qui leur assure, de toute éternité, élan et dynamisme de vie.

Les femmes y ont cru. Elles ont assisté Jésus et les Douze œuvrant à la manifestation de cet acte créateur. Je vous invite à faire vôtre quelque chose de cette prière : Accorde-nous, Seigneur de vie éternelle, de devenir nous aussi des compagnons et compagnes compatissants de nos frères et sœurs malades, de leurs corps et chairs blessés et abîmés. La Résurrection alors se lira peut-être à l’œuvre dans l’esprit qui nous animera, Souffle du Vivant en notre chair d’humains.

sœur Isabelle Donegani