Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Marie-Dominique Minassian

Commentaire de la Parole
Vendredi de la 32e semaine t.o. C

Luc 17, 26-37

Jésus nous rend la mémoire si nous l’avions perdue ! Il nous rappelle des pages terribles de l’histoire alors même que la vie s’écoulait paisiblement. Le déluge d’eau et de feu n’a pas eu raison de cette insouciance… Alors : les jours du Fils de l’homme feront-ils événement ? Seront-ils décisifs ? Changeront-ils quelque chose au cours du monde et des événements ?

Depuis l’Incarnation du Fils, une grande lumière s’est levée pour toute l’humanité. Elle a reçu, sous les traits d’un enfant, un visage, une parole, un amour à nul autre pareil. Et beaucoup de ceux qui ont croisé sa route ont vu leurs jours illuminés et leurs vies changées. Et nous en sommes !
 
Voici que cette lumière gagne en intensité : peut-être même à mesure que la noirceur, le tragique et l’insondable abîme du mal s’emparent de notre actualité, nous sentons “par l’inverse”, par l’impasse des escalades, que la seule issue possible est celle du Christ vainqueur : nu, désarmé et cloué sur une croix, fixé pour toujours sur l’instrument de violence par l’amour qui lui ôte son pouvoir. L’homme depuis les premières pages de la Genèse a inventé le fratricide. Dieu, en réponse, a inventé le don et le pardon.
Alors les disciples ne seront pas pris par surprise, eux qui ne sont pas au-dessus du maître : pas d’autre issue que celle de vivre « jusqu’à mourir s’il le faut ». Rien de morbide dans cette logique. C’est la logique du don au goutte-à-goutte, qui donne tout son sens au simple geste de prendre un tablier. Etty Hillesum le rappelait aux frères de Tibhirine : « Ce qui compte ce n’est pas de rester en vie coûte que coûte, mais comment l’on reste en vie ». Leur vie monastique était une vie donnée, un fruit mûr. Le visiteur de l’Ordre cistercien qui était venu passer un temps avec eux juste avant leur enlèvement n’avait rien trouvé d’autre à leur dire que son encouragement à poursuivre, tant il avait été frappé par leur maturité spirituelle personnelle et communautaire.
 
Alors… et ces deux qui ont été laissés, les survivants ? N’ont-ils pas vécu en tous points la même vie que leurs frères ? Pourquoi n’ont-ils pas été cueillis avec eux ? Frère Jean-Pierre, décédé il y a une année, qui avait été une première fois le seul rescapé de son unité pendant la 2e guerre, avait été taraudé par cette question jusqu’à ce que l’abbesse de l’abbaye de la Fille-Dieu lui écrive un petit mot, sans savoir son trouble : “Il y en a qui témoignent par leurs morts et d’autres par leurs vies. Tu as été épargné pour que tu puisses témoigner”. Cela l’a complètement libéré et il s’est livré tout entier, jusqu’à sa mort, à toutes les questions des nombreux visiteurs qui sont venus le voir au Maroc et à qui il a inlassablement raconté la vie de ses frères.
 
Venons-en à nous : quel enseignement pour nous ? Il est un martyre qui nous concerne et nous presse. C’est celui de l’amour fraternel. Il n’existe pas de méthode ou de catalogue : simplement une attention permanente, un ajustement constant à ce que le contexte et les événements requièrent de nous ici et maintenant. Cette attention contemplative est du ressort de l’Esprit Saint et de son emprise sur nos vies. Quelle tendresse pouvons-nous inventer de la part de Dieu, ici et maintenant, pour ces temps qui ont tellement besoin d’amour et de vérité ? Cette question-là devrait nous tarauder. Alors nous serons prêts, comme les bienheureux martyrs d’Algérie, à accueillir le tout de la vie sans être surpris, mort y compris.

Marie-Dominique Minassian