Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Adrienne Barras

Commentaire de la Parole
Fête des Saints Innocents, martyrs

1 Jean 1,5 à 2,2 / Psaume 123 / Matthieu 2,13-18

Au cœur des fêtes de Noël, nous voudrions entendre autre chose que le récit du massacre d’enfants innocents. Mais il est souvent fructueux de nous laisser déplacer par de tels textes. Dans cet Evangile, comme dans tout l’Evangile de Matthieu, Jésus est présenté comme le nouveau Moïse. Nous y trouvons également de nombreux parallèles avec l’histoire d’Israël. Comme Moïse enfant est sauvé de la mort, l’enfant Jésus échappe à cette folie meurtrière. Il y a cependant ici une inversion puisque le danger est en Israël. Ce faisant, Jésus, en commençant sa vie en Egypte, parcourt en sa chair, à partir de son événement fondateur qu’est la sortie d’Egypte, l’histoire du Salut du Peuple.

La jalousie, la violence aveugle, l’exil et la souffrance marquent ce texte. Ces réalités sont terribles, de toutes les époques. Chaque jour nous en avons des échos dans les journaux. Le Dieu en qui nous croyons ne nous a pas laissé des discours contre la violence. Il y répond en nous donnant son Fils, Lui l’Innocent qui donne sa Vie pour l’humanité. Ne pas chercher Dieu ailleurs : l’Incarnation est là. Dieu fait chair, c’est aussi cela : Dieu marqué, présent au cœur de la violence, l’exil, l’insécurité, la souffrance. Rien de ce que nous éprouvons ne lui est étranger. Il nous est présent en tout. C’est ainsi que l’Evangile selon S. Matthieu s’achève : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28,20)

Ce passage nous gêne donc, nous choque, comme nous le sommes face aux images qui ne cessent de nous être présentées dans les médias. Il est certes important de ne jamais nous habituer à cette violence aveugle, mais il y a une manière de l’aborder qui nous reste extérieure. Même si nous n’avons pas à vivre de telles violences, nos vies en sont marquées. Cela commence en notre cœur et dans notre manière de réagir.

La violence peut parfois naître en nous. Si la figure d’Hérode est extrême, elle nous enseigne quelque chose. Il entre dans une violente fureur : à cause des mages, mais surtout en raison de la menace que cet enfant représentait pour son pouvoir. Cette vie qui émerge est pour lui une menace. Déjà la jalousie tourne autour de cet enfant qui vient de naître et qui est la Vie. La jalousie, ce sentiment qui nous fait vouloir ou être ce que l’autre est… Une de ses racines est la comparaison et son cortège de réactions pour éteindre la vie en l’autre. Durant ce temps de Noël cependant, nous pouvons contempler les figures d’Elisabeth et de Marie qui se réjouissent de la joie de l’autre.

Un autre aspect est l’injustice que nous pouvons subir et notre manière de réagir à cette souffrance. Pour méditer là-dessus, je vous propose un extrait du livre « Prier 15 jours avec Christian de Chergé », écrit par le père Christian Salenson. Christian Salenson médite à partir d’un dialogue qu’a eu frère Christian avec un ami soufi au sujet de l’image de Jésus en croix. Christian de Chergé lui demandait combien il y voyait de croix. L’ami soufi a répondu deux, peut-être trois… Christian Salenson médite à partir de ce dialogue :

Il y a bien trois croix. La première est l’homme créé en forme de croix pour ouvrir les bras et aimer. La deuxième est celle de l’amour crucifié. La troisième ressemble étrangement à la première et là précisément, réside son sens.

Dans la troisième croix s’accomplit le salut. (…) En quoi consiste la troisième croix ? Elle consiste à continuer à ouvrir les bras ou à réapprendre à ouvrir les bras, précisément là où la vie nous blesse. Face au deuil, à la séparation, à l’incompréhension, à la trahison, à l’injustice, la tendance spontanée consiste à se refermer, se replier chez soi, sur sa solitude ou sa souffrance. C’est bien naturel et compréhensible ! Mais le risque est grand de s’aigrir, de nourrir du ressentiment, de se dessécher, de se désengager et de fuir… un autre chemin est possible, chemin ouvert par la croix du Christ.

Alors commence pour chacun un chemin de croix où passant de la croix de derrière, celle de la souffrance infligée, à la croix de devant, l’amour encore offert, il va apprendre encore et toujours à dénouer les bras… (…) L’amour traverse l’épaisseur de la haine… L’amour rend l’autre à sa liberté… La fidélité se fait plus forte que la trahison… (…)

Chacun est plus ou moins engagé dans ce chemin de croix… Il réapprend à ouvrir les bras là où il aurait de justes raisons de les refermer définitivement. Ce chemin de croix le conduit de la croix de derrière à celle de devant... La troisième croix ressemble à s’y méprendre à la première croix. Apparemment rien n’a changé ! La personne est à nouveau capable d’ouvrir les bras, sauf qu’elle les ouvre en traversant la blessure. Souffrance transfigurée… chemin de résurrection et de vie nouvelle !

Ce chemin est notre chemin de croix, celui qui nous est infligé par les blessures de la vie. Mais surtout et plus encore, le chemin de croix que nous acceptons de faire avec le Christ quand nous passons de la croix de derrière à la croix de devant, réapprenant lentement à rouvrir les bras pour nous risquer à nouveau à aimer.[1]

Nous avons raison d’être choqués par la violence … mais n’oublions pas qu’elle nous traverse. Le combat commence en notre vie en demandant la Grâce de pouvoir opposer à la jalousie la louange et à l’injustice subie l’ouverture de nos bras pour réapprendre à aimer.

 

[1] Ch. Salenson, Prier 15 jours avec Christian de Chergé, éd. Nouvelle Cité, 2006, p. 43-44.

 

Sr Claire-Isabelle Siegrist