Commentaire de la Parole
2e semaine TO
Hébreux 5,1-10 et Marc 2,18-22
Au début de l’Evangile selon Marc (1,14), il nous a été dit qu’après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée, proclamant l’heureuse annonce de Dieu, le temps accompli et le royaume de Dieu devenu proche : « Changez d’état d’esprit –ravisez-vous – et croyez l’heureuse annonce » !
L’heureuse annonce que Jésus proclame en appelle à une transformation d’esprit et de cœur. L’Evangile dont il témoigne n’est pas donné à voir, mais à entendre. Et sa nouveauté ne s’impose pas à ceux qui l’entendent : elle demande à être accueillie, en confiance. Ceux qui entendent sont appelés à croire et à se laisser transformer par le dedans.
Nous rappeler cela est nécessaire si nous voulons que les épisodes successifs que nous lisons en liturgie nous révèlent quelque chose de la nouveauté annoncée par Jésus, nous offrent d’accueillir quelque chose de cette heureuse annonce dans notre vie.
La relation entre le vieux et le nouveau, c’est de cela qu’il est question aujourd’hui dans notre évangile, et cela est amené par Jésus au moment où vient sur le devant de la scène la question du jeûne religieux ! Regardons cela de plus près.
La question du jeûne d’abord : « Pourquoi tes disciples ne font-ils pas comme les disciples de Jean ou ceux des pharisiens ? ». La question porte sur une comparaison qui ne vise pas seulement la qualité de leur engagement spirituel. Elle concerne l’identité communautaire du groupe à la suite de Jésus et la voie ouverte par lui. En réponse, Jésus n’explique rien, mais déplace la question en proposant une image, celle des noces. Cette métaphore déplace les auditeurs qui veulent bien l’entendre sur une autre scène.
La question « pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ? » devient inappropriée. Est-ce-que ceux qui sont dans la salle des noces pendant que le marié est avec eux peuvent jeûner ? Ça ne se discute pas. Mais viendra un temps où l’époux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. Cet enlèvement de l’époux touchera profondément ceux qui sont avec lui dans la salle des noces. Ils seront alors privés de l’Epoux, et dépossédés d’une joie partagée. « C’est alors qu’ils jeûneront ». Ce jeûne est l’expression d’une absence, la manifestation d’un deuil. Il n’a rien à voir avec une pratique religieuse instituée et répétée à temps fixes. C’est l’expression de la peine qui s’abat sur les convives.
La différence entre « jeûner » ou « ne pas jeûner » ne se joue pas entre deux groupes communautaires différents, mais elle marque pour les membres d’un même groupe la différence entre le temps où l’époux est avec eux et le temps où l’époux leur sera enlevé.
La relation à l’époux suffit à déterminer le comportement de ses compagnons, qu’il soit avec eux ou qu’il leur soit enlevé.
Jésus continue par un autre détour, amenant à s’interroger davantage encore en direction d’un Royaume qui est là et qui vient et des enjeux inaperçus par ceux qui lui demandent pourquoi ses disciples ne jeûnent pas. Il fait appel à un savoir-faire. On sait qu’un tissu neuf cousu sur un vieux vêtement tire sur lui et va finir par le déchirer. On sait aussi que du vin nouveau mis dans de vieilles outres les fera éclater et qu’aussi bien le vin nouveau que les outres seront perdus. La question à l’ordre du jour est donc bien d’apprendre comment laisser advenir le nouveau sans abimer ni détruire l’ancien.
Jésus invite son auditoire – et par là nous aussi, lecteurs – non pas à opposer l’ancien et le nouveau mais à changer de manière de voir, de comprendre, de penser.
La nouveauté dont parle Jésus ne s’oppose pas à l’ancien, mais elle ne s’y conforme pas. Elle doit pouvoir s’affirmer indépendamment, parce qu’elle dépasse l’imagination. Il faudra inventer pour ne pas perdre et l’ancien et le nouveau. Cet appel à l’invention se concrétise déjà dans le groupe de Jésus et de ses disciples, et n’ira pas sans déranger des positions et des privilèges acquis. Cet appel demeure actuel, dans l’Eglise, il résonne aux oreilles de notre assemblée, au cœur des membres du Corps du Christ que nous formons.
Sr Berta Lütolf