Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Soeur Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
Vendredi de la 27e semaine t.o. C

Galates 3

(3,1) O Galates insensés, qui vous a ensorcelés, vous sous les yeux de qui Jésus Christ a-été-décrit crucifié[i] ! (2) Cela seul(ement) je veux apprendre de vous : est-ce à partir des œuvres de (la) loi[ii] que vous avez reçu l’Esprit, ou bien à partir de (l’)écoute de (la) foi ?[iii] (3) Êtes-vous à ce point insensés ! Ayant commencé par-(l’)Esprit, maintenant vous achevez par-(la)-chair! (4) Avez-vous fait de telles expériences en vain ! Et encore, si c’était en vain ! (5) En effet celui qui vous dispense l’Esprit et opère des actes-de-puissance parmi vous, (est-ce) à partir des œuvres de (la) loi[iv] ou à partir de (l’)écoute de (la) foi ?

(6) De même que Abraham crut en Dieu et cela lui fut-compté pour justice[v], (7) comprenez donc que ceux (qui existent) à partir de la foi[vi], ceux-là sont fils d’Abraham. (8) Et l’Ecriture, prévoyant[vii] que (c’est) à partir de (la9 foi[viii] que Dieu justifie(rait) les nations, a annoncé-d’avance-la-bonne-nouvelle à Abraham : Toutes les nations seront-bénies en toi[ix], (9) de sorte que ceux qui (existent) à partir de (la) foi[x] sont-bénis avec le croyant Abraham.

(10) Tous ceux en effet qui sont à partir des œuvres de (la) loi sont sous (le coup de la) malédiction ; car il est écrit : Maudit (soit) quiconque ne demeure pas dans tout ce qui se trouve écrit dans le livre de la loi, pour le pratiquer[xi]. (11) Et que par (la) loi[xii] personne ne soit-justifié auprès de Dieu, (c’est chose) évidente, puisque le juste vivra à partir de la foi[xiii] ; (12) or la loi n’est pas à partir de la foi[xiv], mais celui qui pratiquera ces choses vivra par elles[xv]. (13) Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, devenant pour nous malédiction[xvi], car il est écrit : Maudit (soit) quiconque est suspendu au bois[xvii], (14) (et cela) afin que la bénédiction d’Abraham parvienne aux nations en Christ Jésus, et que nous recevions l’Esprit promis par le moyen de la foi[xviii].

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Nous célébrons avec l’Eglise, aujourd’hui 7 octobre, la mémoire de Notre-Dame du Rosaire. Nous n’avons pas retenu les textes propres à ce jour, mais la lettre aux Galates (que nous lisons en continu depuis lundi) est apte à nous introduire en profondeur aux mystères de la vie du Seigneur Jésus, mystères de notre propre existence aussi, et que la méditation du Rosaire nous aide peu à peu à pénétrer.

Nous y trouvons la figure d’Abraham, et avec lui, cette place qui nous est destinée, à nous tous, gens “des nations” (comme le dit Paul). Cette place où Marie s’est trouvée posée de naissance et par grâce nous est indiquée, dans la lettre, en opposition (ou du moins en forte tension) avec une autre, l’une se situant en référence à la foi, l’autre à la loi.

Saul, – grand amoureux de la Torah en sa parole d’alliance s’il en est –, Saul dénommé Paul en devenant disciple du Christ Jésus, insiste auprès des Galates sur la nouveauté de la relation à Dieu qui lui fut dévoilée quand a été révélé en lui le Fils (voir Ga 2). Ce n’est pas une rupture avec ses origines juives, puisque c’était déjà la grande affaire d’Abraham. Mais cette place est offerte à tous parce que précisément c’est la vraie place de l’humain, en relation de partenaire avec son Créateur.

Paul en parle donc en la corrélant à ce qu’il nomme “la foi” : entendons ouverture, confiance, crédit à faire à Dieu et aux autres, sans peur ni retrait. Croire Dieu, croire l’autre, c’est vivre de relations véritablement humaines. Qu’un (A)autre me parle, que sa parole me convoque à naître, n’est-ce pas ce que nous désirons de plus intense, au très fond de nous-même ? Et voilà dit Paul que c’est affaire de foi. L’écoute de l’(A)autre en appelle à la foi, qui elle-même me convoque à une réponse parlée qui engagera tout mon être.

Paul insiste à plusieurs reprises sur cette origine spécifique que postule “la foi” : c’est “à partir de la foi” (ek pisteôs, dit-il à 5 ou 6 fois en ces quelques versets du chapitre 3) qu’il s’agit de vivre et exister : comme trouvant notre naissance, notre origine en un (A)ailleurs ou un (A)autre qui se donne à nous dans l’acte de croire. Le livre de la Genèse signalait déjà, dès les premières pages des Ecritures, cette spécificité des humains créés pour la relation, à l’image et à la ressemblance de Celui qui, en les créant, désire communier à eux dans la parole.

Dans l’évangile de l’annonciation (Luc 1,26-38), Marie est posée à cet endroit-même ; elle incarne cette position dynamique. Tout entière traversée[xix] par l’annonce de Gabriel qui lui porte la parole, elle en questionne l’origine : d’où vient-elle, de quel pays ?[xx] Dans son écoute de foi, elle prononce un “fiat” de libre adhésion au désir de Dieu. Elle s’appuie de tout son être sur la parole de Celui qu’elle rencontre alors.

Pareille naissance, pareil engendrement et positionnement dans l’existence, “à partir de la foi” (ek pisteôs), Paul l’oppose à une sorte de non-naissance : vivre “à partir des œuvres de la loi” (ex ergôn nomou). Il parle d’expérience, sentant l’importance d’un basculement dans une obéissance nouvelle à l’Esprit. Affaire d’histoire personnelle sans doute aussi, tant il est vrai que toute loi s’inscrit dans un registre psychologique et spirituel où le glissement est facile et l’attrait vite compulsif à vouloir se sauver soi-même : par une observation rigoureuse de tous les commandements ; pour mériter par soi la récompense du bon élève, du fidèle sans reproche ; sans autre et sans référence à quiconque. Cette tentation de la toute-puissance peut mener au désespoir tant la tâche est immense, et le but jamais atteint, Paul ne le sait que trop. Il sait aussi qu’elle n’est pas dans l’ordre de la volonté de Dieu : seule la foi sauve, qui est un don, gratuit ; en nous reliant à une origine et une dynamique qui sont celles de l’alliance et de la communion, de l’ordre de la bénédiction largement offerte à tous ; à mille lieux de cette malédiction d’une loi qui enchaîne et entrave à force d’actes méritoires, usants et mensongers.

L’Esprit nous fait la grâce de mettre nos cœurs au diapason de ceux d’Abraham et de Marie, ouverts et disponibles à l’œuvre de la foi. En ce jour de mémoire de Notre-Dame du Rosaire, grande est notre joie d’accueillir avec une oreille neuve les paroles de l’apôtre.


[i] Verbe pro-graphô.

[ii] Ex ergôn nomou : préposition ek (= hors, à partir de) : à partir des œuvres de la loi,

[iii] Ex akoês pisteôs : préposition ek (= à partir des œuvres de (la) foi. La TOB traduit le ek par “en raison de” : “est-ce en raison de la pratique de la loi que vous avez reçu l’Esprit ou parce que vous avez écouté le message de la foi ?” Notons qu’il n’est pas question de “message” dans le grec, mais de l’“écoute” qu’est la foi. La même opposition est reprise au v. 4.

[iv] Ex ergôn nomou : comme au v. 2. En opposition toujours à ex akoês pisteôs.

[v] Cf. Gn 15,6.

[vi] Ek pisteôs : ceux qui viennent, ont leur origine, existent de par la foi. Osty : les hommes de foi ; TOB : les croyants ; Bible de la liturgie : ceux qui se réclament de la foi. L’expression revient aux vv. 7, 8, 11, 12.

[vii] Pro-idousa, pt aor. 2 de pro-oraô : prévoir, voir-d’avance.

[viii] Ek pisteôs : de même qu’au v. 6 et bientôt au v. 8.

[ix] TM : “Par toi se béniront toutes les familles de la terre”. Cette parole court à travers tout le livre de la Genèse : Gn 12,3 ; 13,15 ; 18,18 ; 22,18 ; 26,4 ; 28,14. Elle est reprise aussi en Ac 3,25.

[x] Ek pisteôs à nouveau.

[xi] Cf. Dt 27,26. Pour Paul, il est évident que pareille totale fidélité à l’intégralité de ce qui est écrit au livre de la Loi (Pentateuque de Moïse) est impossible. Luc, dans les Actes, lui fait dire quelque chose d’analogue dans son discours à Antioche de Pisidie, au cours du premier voyage de Paul (Ac 13,38ss).

[xii] En nomoi : par la loi. Avec une autre préposition grecque : en = dans, par.

[xiii] Ek pisteôs encore. Citation de Hab 2,4, reprise en Rm 1,17.

[xiv] Ek pisteôs encore.

[xv] Cf. Lv 18,5. Selon Paul, il faut choisir entre loi et foi, qui reposent sur des présupposés inconciliables.

[xvi] Comparer encore 2Co 5,21 : “en devenant malédiction”, objet de malédiction.

[xvii] Cf. Dt 21,23.

[xviii] Dia tês pisteôs : nouvelle préposition ici, dia. Le dia est instrumental (à travers, par le moyen de).

[xix] Luc 1,28 : dia-tarassô, être traversé par un trouble.

[xx] Potapos : de quel lieu, d’où ? Question sur l’origine avant d’être sur la signification (que signifie cette parole).

sœur Isabelle Donegani