Commentaire de la Parole
3e semaine de Pâques
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui. » (Jn 6,54) Quel contenu donner à ces mots incroyables ? Ce verset, mais plus largement tout ce passage d’Evangile évoque pour beaucoup l’eucharistie et même plus précisément la « communion ». Mais qu’est-ce que « communier » avec Celui pour qui nous avons engagé toute notre vie ?
En laissant ce passage m’habiter, d’autres passages de l’Evangile de Jean ont émergé en moi me parlant de « communion » avec le Seigneur. J’aimerais simplement vous livrer le fruit de cette méditation. J’ai choisi trois passages.
Tout d’abord, la rencontre de Jésus et de la Samaritaine au chapitre 4 : Jésus dit : « celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle. »
Communier, c’est accueillir le don, recevoir, à tout instant la vie, cette vie qui ne cesse de se donner, découvrir que l’eau de la vie ne cesse de se donner en nous telles que nous sommes aujourd’hui. L’être et la vie de chacune renvoient à ce mystère de communion.
Ensuite, au chapitre 13, le lavement des pieds. Nous avons au v. 8 : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Puis au v. 12 Jésus lave les pieds de chaque disciple. Enfin le v. 15 appelle à la réitération : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »
Communier, c’est nous laisser laver les pieds pour avoir part avec lui. Communier, c’est consentir à nous laisser toucher, accepter d’être vulnérable, nous laisser aimer jusqu’à l’extrême, jusqu’à nos zones d’ombre les plus enfouies. Accueillir pour soi-même le don et ainsi être entraînée dans le mouvement de la réciprocité de l’amour. En fait, l’enjeu est là… entrer dans le don total. Le père Christian Salenson l’exprime ainsi : « Si je ne te lave pas les pieds, tu ne pourras pas donner ta vie jusqu’à l’extrême… Comme moi et avec moi. Le chemin du don total passe par la capacité à se laisser aimer. Seul celui qui se sait aimé et qui se laisse aimer peut réellement faire le don total de sa vie. »[1] Communier, c’est entrer dans la réciprocité de l’amour.
Troisièmement, au chapitre 20, Jésus dit à Marie-Madeleine : « Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jn 20,17)
Communier, c’est, avec Marie-Madeleine, entendre le Christ nous appeler par notre nom et naître à une vie nouvelle, c’est faire l’expérience que, désormais, notre relation au Christ est indissociablement intimité avec Lui, entrée dans un mode de vie fraternelle et envoi au cœur du monde. Et c’est là le cœur de notre vocation à la vie religieuse.
Oui, communier, c’est recevoir à tout instant la vie qui ne cesse de se donner, la reconnaître en moi et dans l’être et la vie de chacune.
Communier, c’est nous laisser aimer jusqu’à l’extrême de nos personnalités et entrer dans la réciprocité de l’amour.
Communier c’est entrer dans un mode de vie fraternelle et Le trouver au cœur du monde.
Mais vous le sentez peut-être… derrière cette question de la communion m’habite une autre question : le chapitre 6 de l’Evangile de Jean est-il eucharistique ? Je ne suis pas compétente pour donner une réponse de bibliste, mais, aujourd’hui, je dirais qu’il l’est, mais dans une mesure et dans une profondeur que nous n’aurons jamais fini de découvrir.
Car l’eucharistie que nous célébrons est faite de chair et de sang : la chair et le sang du Christ donné, ma propre chair et mon propre sang en libre réponse.
En conclusion, et en souhaitant une belle fête à Sr Berta, je vous laisse ces mots de Christian Salenson en partage : « La matière première de l’eucharistie est la vie de toute l’humanité dans son ensemble et de chaque personne en particulier. (…) L’eucharistie que nous célébrons est une eucharistie faite de chair et de sang. » « Ce mystère eucharistique de transformation est vécu en tout homme qui consent à se laisser transformer dans les événements de son histoire. »[2]
Sr Claire-Isabelle Siegrist
[1] Christian Salenson, Les sacrements. Sept clés pour la vie, éd. DDB, 2012, p. 88.
[2] Christian Salenson, Prier 15 jours avec Christian de Chergé, éd. Nouvelle Cité 2006, p. 90-91, 92.