Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Soeur Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
Lundi de la 26e semaine t.o. C

Luc 9, 46-50

« (9,46) Alors survint une discussion parmi (les disciples) : qui pouvait être le plus grand d’entre eux ? (47) Jésus, connaissant la discussion de leur cœur, ayant saisi un petit-enfant, le plaça près de lui-même (48) et leur dit : Celui qui accueille cet enfant en mon nom, m’accueille ; et celui qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé; car le plus petit se trouvant parmi vous tous, celui-là est grand.

(49) Mais répondant, Jean dit : Chef, nous avons vu quelqu’un jetant dehors des démons en ton nom, et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne t’accompagne pas avec nous. (50) Mais Jésus lui dit : Ne l’en empêchez pas ; car celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »


La question débattue parmi les disciples est celle qui naît partout dès que des humains se rassemblent et forment un groupe. Qui détient l’autorité ? A qui revient-il de diriger, de commander, gouverner ?

Dans l’évangile, ce jour, il n’est pas si étonnant qu’un tel débat survienne juste après que Jésus ait annoncé pour la 2e fois sa passion à ses disciples, par ces mots : “Vous, mettez-vous bien dans vos oreilles les paroles que voici : “le Fils de l’homme est sur le point d’être livré aux mains des hommes” (9,44).

Les disciples sont loin de pouvoir entendre une telle annonce, l’évangéliste le souligne : “Ils ne comprenaient pas cette parole, elle leur restait voilée pour qu’ils n’en saisissent pas le sens, et ils craignaient de l’interroger sur cette parole” (9,45).

Oui, de certaines réalités, il est difficile de parler, de se parler. On préfère les ignorer, les taire, glisser dessus, faire silence. La violence subie est de celles-là, tout comme la souffrance, la persécution, la perte ou la mort, bien sûr. Pouvoir entendre que bientôt ce sera le sort de leur maître n’est pas accessible aux disciples.

Pas accessible directement, certes, mais en se questionnant de suite entre eux sur “qui est le plus grand”, ne font-ils pas d’une certaine manière écho, bien qu’inversé, à la petitesse de cette livraison que Jésus subira bientôt ? N’est-ce pas s’interroger, au niveau du groupe, sur l’envers de ce que la proche livraison du Maître laisse penser : la grandeur, le pouvoir, la force ? Qu’est-ce qu’être grand ? Qui est le plus grand ?

Est-ce une réaction de survie ? Une manière de faire face à l’insoutenable ? Toujours est-il que voici les disciples aux prises avec la question qui régit la vie sur terre : la relation à autrui, les relations et interrelations qui président à tout vivre ensemble. Si leur maître est petit au point de leur annoncer sa proche livraison aux mains des hommes, qu’en est-il d’eux ? Y a-t-il parmi eux, – et quel est-il –, celui qui tient (ou tiendra) le coup, parce qu’étant “le plus grand” (supérieur, ou meilleur ?) et offrira au groupe une référence solide, un axe clair, un repère visible et assuré de sécurité et de cohésion ? On ne peut perdre bientôt le Maître et se permettre de disparaître aussi comme groupe, faute de chef qui en assurera l’existence par son rôle et sa place ?

Face à un tel débat, qui pourrait bien finir en débâcle communautaire, que fait Jésus ? Il prend auprès de lui, non pas Pierre, – qui pourtant vient de répondre avec intuition et foi à la question : “Et vous, qui dites-vous que je suis ?” – Le Christ de Dieu (9,20) ; qui fait partie des trois privilégiés qui ont accompagné Jésus sur la montagne de la transfiguration (9,28ss). Il ne prend pas Jacques non plus, ni Jean d’ailleurs, qui sous peu interviendra dans la scène (vv. 49-50).

Jésus prend pour modèle et exemple un inconnu qui n’est en rien un adulte rompu aux péripéties de la vie, que l’existence aurait rendu expert, mais un petit-enfant (le diminutif to paidion en grec) : un être sans accès très assuré encore à la parole, qui ne peut vivre et grandir qu’en comptant sur les autres, ses proches, en se fiant à eux. Un petit d’homme qui est au commencement de sa destinée, chez qui tout est nouveauté et découverte, fragilité encore (de corps et d’esprit), mais intelligence déjà et potentialités diverses de curiosité, d’expérimentation, de vie.

Le petit-enfant se situe au commencement, du côté de l’ouverture, de ce qui vient, de l’inconnu, du don promis. Accueillir un tel être, “en mon nom”, dit Jésus, c’est s’inscrire dans l’ordre du Royaume de Dieu devenu proche et qui ne consiste qu’en échanges et relations, d’amour et de confiance ; où toute grandeur s’exprime en don désintéressé de soi ; ou ce qui est petit fait signe du Dieu neuf de Jésus Christ.

Nous avons nous aussi, comme Jean dans notre récit, à (ré)apprendre ce que signifie être disciples de Jésus et agir en son nom. Cela ne fait pas de nous une secte à part ou une classe d’élite. Cela passe par notre capacité à nous réjouir (et non à être jaloux) que d’autres que nous agissent contre les forces de mort et les pulsions démoniaques qui assaillent les hommes, et en sortent vainqueurs. Là où le bien se fait, quand c’est “au nom de Jésus”, peu importe par qui il est réalisé. La vraie grandeur se déploie en qui agit à l’exemple de Celui dont le Nom est le seul à sauver l’homme des abîmes profonds, fussent-ils ceux, ultimes, de la passion et de la mort.

N'empêchons pas les enfants de nous rappeler ce chemin du plus petit : il est la norme de toute grandeur. N’empêchons pas tous les acteurs de gestes libérateurs d’être avec nous, comme nous, témoins miséricordieux du Christ Seigneur. Réjouissons-nous : ensemble nous sommes disciples d’un chef qui a pour charte de gouvernement le service de la grande petitesse de notre être à tous.

sœur Isabelle Donegani