Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Isabelle Donegani

Commentaire de la Parole
16e semaine du t.o. A

Jérémie 3,14-17, Jérémie 31 et Matthieu 13,18-23

Fructifiez ! Mais fructifiez donc ! Pourquoi ne fructifiez-vous pas ? Cet appel et cette interrogation traversent toutes les Ecritures. Ils retentissent dès les premières lignes de la Genèse, quand le Seigneur, bénissant l’Adam qu’il vient de créer mâle et femelle, à son image, leur dit : “Fructifiez et multipliez-vous…” (Genèse 1,28).

Ils retentissent aussi très fortement dans les textes de la liturgie de ce jour. Si le prophète Jérémie interpelle avec vigueur le peuple d’Israël – nous venons de l’entendre –, c’est pour dénoncer sa surdité et l’enfermement dans lequel il se complaît en refusant d’écouter la parole du Seigneur. Jérémie lui dit : Revenez, fils renégats – oracle du Seigneur ; c’est moi qui suis votre maître” (Jr 3,14). Le cliquetis des mots hébreux est difficile à rendre en français. Ce pourrait être quelque chose comme : “Retournez, fils qui vous êtes détournés !”

Et le Seigneur de continuer, envisageant la fructification à venir d’Israël comme le préalable nécessaire à la conversion de l’ensemble des nations : “Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur : ils vous conduiront avec savoir et intelligence. Quand vous vous serez multipliés, quand vous aurez fructifié dans le pays, en ces jours-là – oracle du Seigneur –, … en ce temps-là… toutes les nations convergeront vers (Sion), vers le nom du Seigneur, à Jérusalem ; elles ne suivront plus les penchants mauvais de leur cœur endurci” (Jr 31,15.17).

C’est dire combien, au principe, et ensuite pour le peuple d’Israël et les nations, tout se joue à l’échelle de l’intime de chaque humain, en ce lieu que les Ecritures nomment le “cœur”. Mais chez celui ou celle dont le “cœur s’est épaissi (ou endurci)”, la fructification ne peut se déployer.

Dans l’évangile d’aujourd’hui, c’est bien encore et toujours de cette aventure de la Parole dans le cœur des humains que Jésus parle à ses disciples, au moment de leur interpréter la parabole du Semeur (Matthieu 13,18-23). Le risque que Dieu accepte de courir, en nous créant libres, c’est de nous voir ne pas répondre à notre vocation, ne pas “fructifier” en recevant et gardant sa Parole.

Car effectivement, tout n’est pas joué d’avance dans cette épreuve de la fructification. A trois reprises, au contraire, Jésus évoque les échecs possibles de l’ensemencement prodigue opéré par le Semeur.

Le premier obstacle est décrit ainsi : entendre la Parole sans la comprendre, c’est laisser la semence à la merci du Mauvais qui, lui, n’a d’autre but que de faire obstacle à toute fructification en s’emparant de la Parole semée (Mt 13,19).

Deuxième échec : vivre sans recevoir en profondeur la Parole de l’Autre, c’est vivre à l’extérieur de soi et se suffire d’une réception superficielle de la Parole. Surfer ainsi sur le temps sans y inscrire aucun engagement personnel donne à se satisfaire d’une joie certes fulgurante mais passagère, qui ne permet pas de résister à l’adversité quand survient le rejet et le mépris à cause de la Parole. Détresse et persécution causent scandale : c’est la chute, l’écoute est parasitée, le début de la fructification bloqué (Mt 13,20-21).

Troisième expérience d’échec : vivre sans discerner à quelles tentations et séductions nous soumettent les soucis du monde et l’attrait des richesses nous fait céder à la tromperie des apparences, nous fait nous excentrer toujours plus de nous-même. Le Verbe-fait-chair-en-nous, la Parole-semée-en-nous ne peut alors porter aucun fruit. L’étouffement de la semence tue l’être appelé à croître-avec-le-Dieu qui parle en lui (Mt 13,22).

La quatrième situation décrit quant à elle le processus d’une saine fructification. Chacun.e de nous est appelé.e à être cette “belle terre” qui porte fruit avec abondance, “qui cent, qui soixante et qui trente” pour un (Mt 13,23). Car quand la Parole fructifie à l’intime, elle nous fait croître avec le Seigneur, et par elle nous devenons ce bel arbre chanté par le Psaume 1, cette unique plante-avec-le-Seigneur louée par Paul dans l’épître aux Romains (Rm 6,5), cette création qui vit du Dieu-Autre qu’elle accueille, le Dieu-Amour qui lui partage sa sève intérieure et la fait vivre de Sa Vie.

L’aventure de la Parole dans les cœurs est donc bien celle de chacun.e de nous, convoqué.e aux noces avec son Seigneur et sans cesse menacé.e. de faire obstacle à un ensemencement fécond, à préférer une vie stérile tranquille et complaisante à une vie librement engagée de serviteur et servante du Dieu très bon.

En ce midi, la Parole du Seigneur vient encore ensemencer la terre de notre cœur. Elle nous rejoint à travers la riante et bienfaisante fraîcheur de la prophétie de Jérémie, dans son cantique (Jr 31,13-14) : 

Écoutez, nations, la parole du Seigneur !
Annoncez dans les îles lointaines :
« Celui qui dispersa Israël le rassemble,
il le garde, comme un berger son troupeau.

« Le Seigneur a libéré Jacob,
l’a racheté des mains d’un plus fort.
Ils viennent, criant de joie, sur les hauteurs de Sion :
ils affluent vers les biens du Seigneur.

« La jeune fille se réjouit, elle danse ;
jeunes gens, vieilles gens, tous ensemble !
Je change leur deuil en joie,
les réjouis, les console après la peine. »

sœur Isabelle Donegani