Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Sr Claire-Isabelle Siegrist

Commentaire de la Parole
Lundi de la 14e semaine t.o.

Matthieu 9, 18-26

Ce passage que nous venons d’entendre est bien connu, mais l’avons-nous vraiment en tête dans la version de Matthieu, que nous venons d’entendre, ou plutôt dans celle de Marc, plus développée, entendue le dernier dimanche de juin ? Entre les deux versions, des différences sont intéressantes à relever. Ainsi, par exemple, dans ce que nous venons d’entendre il s’agit de la fille d’un « notable » et non de la fille de l’un « des chefs de la synagogue nommé Jaïre » (Mc 5, 22), son âge ne nous est pas précisé, alors que Marc prend soin de le dire. Jésus semble se rendre seul au chevet de la jeune fille. Chez Marc, elle est « à la dernière extrémité » (Mc 5, 23) alors que dans la version de Matthieu, le père annonce à Jésus que sa fille est déjà morte. Enfin, la rencontre entre Jésus et la femme souffrant d’hémorragies n’est pas décrite dans les détails mais est centrée sur cette parole de Jésus : « Confiance, ma fille ! Ta foi t’a sauvée » (v. 22). Par son caractère plus ramassé, la version de Matthieu centre notre écoute sur la question de la mort et la vie, sur la foi et le Salut. Je vous propose de nous concentrer là-dessus.

Dans ce passage, deux événements sont imbriqués : une jeune fille qui est endormie dans la mort avant d’avoir pu donner la vie – c’est le début et la fin du texte – et, au milieu, une femme de qui le sang s’écoule, c’est-à-dire la vie, rendant toute fécondité impossible et l’éloignant de toute relation sociale, étant considérée comme impure.

Ainsi, d’emblée, Matthieu entre dans le vif du sujet : il s’agit d’une question de mort et de vie. Cette histoire tiendrait en elle-même mais l’évangéliste y insère un autre épisode : la rencontre entre Jésus et cette femme qui souffre d’hémorragies et dont la foi en Jésus est suffisamment grande pour qu’elle ose franchir un interdit en cherchant à toucher Jésus. On aurait pu s’attendre à un récit de guérison ; or, ce n’est pas le verbe « guérir » que Matthieu emploie, mais le verbe « sauver » et ce, à trois reprises en deux versets : la femme « se disait en elle-même : "si je parviens seulement à toucher son vêtement, je serai sauvée." Jésus se retourna et, la voyant lui dit : "Confiance, ma fille ! Ta foi t’a sauvée." Et, à l’heure même, la femme fut sauvée. » (v. 21-22) Si ce n’est pas la guérison physique de cette femme qui est mise en avant, c’est qu’elle ne souffre pas de n’importe quelle maladie : elle perd du sang et, dans la Bible, perdre du sang c’est perdre la vie.

Ainsi, c’est la vie qui s’écoule de cette femme et ce qui la sauve, dit Jésus, est la foi qu’elle a en Lui. Ici, on peut être frappé.e.s qu’on ne dise rien d’autre de cette femme. Le texte se poursuit à la maison du notable. Tout évoque la mort. Jésus commence par éloigner la foule agitée et semble rester seul avec la jeune fille. Ici, ce n’est pas une parole qui est posée par Jésus, mais un geste : Jésus lui saisit la main et la jeune fille se lève.

Ce geste de Jésus envers la jeune fille nous concerne aujourd’hui. Le fait que ni la jeune fille ni la femme n’aient de nom nous donne une place dans ce texte. L’épisode central de ce passage nous attire l’attention. Jésus ne peut nous relever, nous sauver sans nous, sans le désir de nous tourner vers Lui, sans notre foi. C’est bien grâce à la foi de cette femme que Jésus peut agir, la sauvant de cette existence où la vie s’échappait, la gardant dans un isolement relationnel, une vie sans fécondité.

Cet épisode nous interpelle aujourd’hui : qu’est-ce qui, dans ma vie, a besoin d’être sauvé de la stérilité ? De quelle forme d’isolement, de « mort » ai-je besoin d’être tiré.e ? Ai-je suffisamment de foi pour m’approcher de Celui qui, seul, peut me tirer de l’« enfer » de l’isolement, d’une vie sans Lui et sans les autres ? Le Mystère pascal est le cœur de notre vie de sœurs de saint Maurice… et « nous nous voulons attentives au service et à l’accompagnement de la vie sous toutes ses formes – en particulier là où elle est en danger »[1]. Nous ne pouvons être des témoins crédibles sans voir ce qui menace la vie en nos propres vies.

Alors, revenons au geste posé par Jésus envers la jeune fille : Il lui saisit la main… Ce geste est lourd de sens. Nous pouvons le contempler jour après jour puisqu’il est le cœur de l’icône du Christ aux enfers qui est dans notre chapelle. Jésus saisit la main d’Adam et d’Eve, de chacun, chacune de nous. Il nous relève en nous disant aujourd’hui :

 « Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d’entre les morts, et le Christ t’illuminera. "C’est moi ton Dieu, qui, pour toi, suis devenu ton fils ; c’est moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans les chaînes : Sortez. À ceux qui sont dans les ténèbres : Soyez illuminés. À ceux qui sont endormis : Relevez-vous. Je te l’ordonne : Éveille-toi, ô toi qui dors, je ne t’ai pas créé pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d’entre les morts : moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains ; lève-toi, mon semblable qui as été créé à mon image. Éveille-toi, sortons d’ici. Car tu es en moi, et moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible." »[2]

 

Sr Claire-Isabelle Siegrist

 

 


[1] Actes du Chapitres 2018, Orientation 1.

[2] Homélie ancienne pour le Samedi Saint.