Liturgie de la Parole

Notre page « Echos de la communauté »

Nous aimerions sur cette page vous faire partager quelques échos de notre communauté, les événements que nous vivons « Au fil des jours », les témoignages de nos soeurs et ce que les différents médias (cath.ch, la RTS, KTO, VaticanNews...) partagent au sujet de nos communautés en Suisse et à Madagascar et de nos activités et services. Cliquez sur les liens pour accéder aux articles publiés.

Le temps de confinement, où l'Eucharistie n'était plus possible, nous a incitées à chercher des alternatives. C'est ainsi que l'Office du milieu s'est transformé en une « Liturgie de la Parole (accès aux textes publiés) » et cinq sœurs de la communauté se sont relayées pour commenter le texte de la liturgie du jour. Même si les célébrations ont maintenant repris, nous poursuivons cette belle expérience de partage de la Parole.

Jeudi de la 4e semaine de Pâques

Aujourd’hui, fête de saint Marc, l’Eglise nous donne à lire uniquement les derniers versets de son Evangile, les vv. 15-20 du chapitre 16. Il m’a paru bon pourtant d’élargir notre écoute à l’ensemble du chapitre 16, que la Bible Osty qualifie du titre générique de : “Après la résurrection”. Nous y sommes ainsi conviés à méditer à frais nouveaux les récits fondateurs de l’Eglise relatifs à l’événement de Pâques et à l’annonce pascale. Pour nous permettre d’entendre à neuf la parole inouïe que ces textes font résonner, je vous propose de dérouler le chapitre 16 étapes par étapes. Nous mesurerons aussi ainsi la force d’ouverture de ses ultimes versets, 14 à 20.

Aujourd’hui, fête de saint Marc, l’Eglise nous donne à lire uniquement les derniers versets de son Evangile, les vv. 15-20 du chapitre 16. Il m’a paru bon pourtant d’élargir notre écoute à l’ensemble du chapitre 16, que la Bible Osty qualifie du titre générique de : “Après la résurrection”. Nous y sommes ainsi conviés à méditer à frais nouveaux les récits fondateurs de l’Eglise relatifs à l’événement de Pâques et à l’annonce pascale. Pour nous permettre d’entendre à neuf la parole inouïe que ces textes font résonner, je vous propose de dérouler le chapitre 16 étapes par étapes. Nous mesurerons aussi ainsi la force d’ouverture de ses ultimes versets, 14 à 20. 
 
Reparcourons d’abord sa première partie, les vv. 1-8 qui forment la finale dite “brève” de l’Evangile de Marc. 
• Notons que les actrices principales sont trois femmes (dont Marie la Magdalène), et que l’espace autour duquel elles gravitent est le tombeau de Jésus. C’est là qu’elles se rendent avec le projet d’aller embaumer son corps. Première surprise pourtant : la pierre qui en obstruait l’entrée a été roulée de côté. Mais le plus inattendu est encore à venir : au lieu d’y trouver la dépouille de Jésus, les femmes font face à un jeune homme en blanc. Celui-ci les invite à calmer leur peur, et leur annonce que Jésus le Nazarène, le crucifié, est ressuscité (littéralement : il s’est éveillé) ! Il n’est pas là, en ce lieu. Troisième choc : l’inouï de cette parole. Puis encore la mission qu’elles reçoivent du jeune homme : aller dire aux disciples et à Pierre que le Ressuscité les attend en Galilée, là où il leur a donné rendez-vous. Le résultat que pareils surgissements et paroles, aussi imprévus qu’imprévisibles, produisent en elles est la déstructuration de leurs corps et tout leur être. L’effroi, au lieu de les quitter, les submerge, et c’est tremblantes et totalement déstabilisées qu’elles s’enfuient du tombeau sans avoir la possibilité de porter à quiconque le message confié : “Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur”. Ainsi s’achève la finale brève de Marc. La première annonce de la résurrection butte sur l’impossibilité d’en parler. Aucun auditeur n’en recevra l’annonce. Echec et mat dans l’œuf, pourrait-on dire, des retrouvailles promises. La parole est bloquée. 
 
Qu’en est-il de la finale dite “longue” de l’Evangile (16,9-20) ? L’écart, pour ne pas dire la rupture, est énorme entre l’impossible parole du v. 8 et tout ce qui se réouvre, dès les vv. 9ss. Tout y repart à zéro, mais avec pour acteur principal, cette-fois, Jésus lui-même, qui se donne à voir trois fois de suite. Comparer ces apparitions nous permettra d’accueillir la 3ème et dernière dans toute sa force de nouveauté. 
 
• 1ère apparition (vv. 9-11). Tout se passe au mieux, au début tout au moins. (Res)suscité le matin du 1er jour de la semaine, Jésus se manifeste en premier à Marie la Magdalène. Celle-ci s’en va en porter l’annonce à “ceux qui avaient été avec lui, qui s’affligeaient et pleuraient”. C’est dans la réception de l’annonce pourtant que tout se gâte. Les proches disciples de Jésus, bien qu’ayant entendu dire que celui-ci est vivant et qu’il a été vu, “ne-crurent-pas”. Zéro écoute, zéro foi. Le verbe utilisé, a-pisteô, est surprenant dans la mesure où, à l’affirmatif, il veut dire “ne-pas-croire”. Acte de non-croire, fin de non recevoir. 1er échec, du côté des disciples, du parcours de la parole à croire.
 
• 2ème apparition, au bénéfice cette fois de deux disciples faisant route vers la campagne (vv. 12-13). Jésus se manifeste à eux, et ceux-ci portent l’annonce aux autres. Mais, nouvel arrêt : “ceux-là non plus ne les crurent pas”. Ici, le verbe pisteuô, très proche du précédant à une lettre près, signifie “croire”. Alors qu’il est “positif”, il est conjugué à la forme négative. Le résultat est donc identique : échec encore. L’annonce ne trouve pas oreille à sa mesure.
 
• 3ème apparition (vv. 14-18), qui recouvre la majeure partie du texte liturgique de ce jour. Jésus en est toujours l’acteur principal, mais cette fois c’est aux Onze réunis à table qu’il se manifeste. Onze, c’est Douze moins un (Judas), mais le nombre lui-même évoque la figure des “apôtres” que Jésus a choisis et nombrés pour être ses “envoyés”, comme leur nom l’indique. Cette fois, Jésus accompagne sa manifestation de deux prises de paroles, fortes et significatives :
– Négativement d’abord, il adresse aux Onze de vifs reproches concernant leur non-foi et à leur dureté de cœur. Le motif, répété, en devient lancinant : “car ils n’avaient pas cru ceux l’ayant-vu ressuscité”. Voilà résumé le double échec des annonces précédentes, faites par Marie puis par les deux disciples. 
– Puis positivement, et c’est la toute fin de l’Evangile, Jésus adresse aux Onze une parole d’envoi en mission : “Allez dans le monde entier, proclamez l’heureuse-annonce à toute la création” (v. 15). Tout est inouï dans ce mandat. 
o L’espace d’abord. Aucune limite n’est fixée pour cette annonce : toute créature, l’universalité du monde créé, est fait pour recevoir l’évangile ! Teilhard de Chardin, et bien des astro-physiciens et biologistes du vivant peuvent exulter ! Leurs objets d’étude sont destinataires de “l’heureuse-annonce” !
o Ce mot même mérite attention : eu-aggelion en grec, “heureuse-annonce” en français, par lequel Marc d’ailleurs ouvre son livre (1,1). Il indique moins un message et son contenu que l’effet produit, dans et par l’interlocution. Un effet de bonheur ! Cette “heureuse-annonce” comprend, dès le début de l’Evangile, le ministère de Jean le Baptiste, lui-même déjà annoncé par les prophètes. Si elle réapparaît ici, en fin de livre, pour en ouvrir les dimensions à l’univers entier, c’est qu’elle renferme entre temps toute l’histoire terrestre de Jésus, les joies et terreurs de sa vie d’homme parmi les hommes, y compris sa passion et sa mort, puis sa résurrection.  
o Notons pour terminer que les paroles de Jésus insistent ensuite moins sur l’émission de l’annonce que sur sa réception. C’est bien là que se situe la difficulté que tout le chapitre 16 n’a eu de cesse de souligner : être bénéficiaires de l’annonce est une chose, devenir “celui qui croira” (ou “ne croira pas”), en est une autre. “Des signes escorteront ceux qui croiront”. “Escorter” comprend une nuance de protection. Les récepteurs croyants de l’évangile agiront, et leur action sera belle et féconde : jeter dehors les démons, parler des langues nouvelles, prendre en mains des serpents, boire du poison mortel sans en être atteints, rendre bien des invalides par l’imposition de leurs mains ! L’évangile, comme heureuse-annonce, est énergie de Dieu pour le monde, puissance de vie qui sauve en délivrant aussi du mal et des maladies.
 
Le Seigneur Jésus a parlé, nous dit le texte, et voilà qu’aussitôt il disparaît : “il fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu” (v. 19). Elle est rude, cette coupure. On pourrait craindre un effondrement des Onze, désarçonnés par cette absence (encore !). Mais il n’est en rien (enfin !) : les Onze remplissement la tâche qui leur a été impartie : “ils proclamèrent partout”. C’est que la distance entre terre et ciel n’empêche pas le Seigneur “d’œuvrer-avec” eux : leur travail apostolique est le sien, lui qui de plus “confirme” leur parole en affirmant sa vérité par les “signes” qui l’accompagnent. 
 
Concluons. Aujourd’hui encore, nous-mêmes nous recevons comme fils et filles de cette annonce, universelle, qui a traversé et renouvelé le temps et l’espace. De siècles en siècles, partout, passant de bouche en bouche, d’oreilles en oreilles, de cœur en cœur, la proclamation de l’heureuse-annonce nous fait vivre, nous les humains, quand “croire” est notre fait. Au Nom du Seigneur Jésus, parole et signes continuent d’œuvrer le Royaume devenu proche. C’est de ce Royaume en nous qu’il est question quand nous ouvrons les Evangiles, et celui de Marc y contribue notablement. 
 
Bienheureuse annonce ! Elle nous porte au seuil du “croire” et nous ouvre le Royaume qui s’y donne. 

Sr Isabelle Donegani, 25 avril 2024