Liste des articles "Point de vue" publiés

par Sr Jacqueline Lorétan

Dimanche dernier, il a été question de miettes dans l’évangile de la femme cananéenne venue supplier Jésus de guérir son enfant. Et elle a obtenu bien plus que des miettes !

Je venais alors de relire un texte transmis récemment par une amie. Il s’agit du discours que le théologien allemand Fulbert Steffensky a prononcé pour ses 90 ans le 5 mai dernier à Lucerne. Un passage où il est également question de miettes a retenu mon attention. Dans le contexte de sa recherche d’une Eglise hospitalière, il raconte comment, suite au terrible attentat survenu dans une école d’Erfurt (2002), la Pasteure avait décidé d’ouvrir le grand service funèbre à toute la population de la ville, très majoritairement sécularisée. Et la foule fut présente, remplissant tout, de l’imposante rampe d’escalier à la vaste place de la cathédrale.

Steffensky y voit à l’œuvre l’hospitalité des églises établies, offrant des miettes du pain entier aux gens dont le quotidien n’a aucune dimension spirituelle ou religieuse. Tant il est vrai que l’être humain, même sans “religion de chapelle“, porte en soi cette soif du surnaturel souvent non identifiée ; les grands drames le trouvent alors dépourvu de moyens d’expression et de communication avec d’autres humains. En fait, ce sont les églises, familières avec l’action liturgique, qui peuvent fournir les espaces adaptés aux circonstances et prêter langage et gestes appropriés à qui ne sait pas comment dire ce qui l’habite là.

Pour Steffensky, même la foi d’un instant de n’importe quelle personne est déjà une certaine forme de foi - à ne pas mépriser en temps de disette !

D’ailleurs, il n’est pas rare que des gens sans aucun lien avec une quelconque religion s’adressent à des personnes qu’ils savent croyants ; ceci notamment lorsqu’un épisode douloureux survient dans leur vie. Sans utiliser l’expression « priez pour moi », c’est bien cela qu’ils attendent de leur part. Être leur câble entre terre et ciel, leur ligne directe vers ce Dieu (inexistant ?) qu’ils ne sauraient fréquenter eux-mêmes.

Serait-ce là notre manière à nous, croyants, de partager quelques miettes de notre richesse spirituelle ? Donner gratuitement ce que nous avons reçu gratuitement. Sans juger ni attendre quoi que ce soit en retour. Car seul Dieu mesure la valeur de toutes ces démarches, et c’est à Lui seul qu’il revient de connaître le moment où l’un ou l’autre de ses enfants sera reçu les bras ouverts par la communauté rassemblée autour de la table du pain entier.