par Sr Jacqueline Lorétan
Mais qui sommes-nous, braves chrétiens ordinaires, pour absorber quasi journellement une nouvelle pilule encore plus amère du genre abus sexuel, abus de pouvoir, communautés nouvelles dissoutes, prêtres ou évêques trouvés complices ou coupables ; des gouvernements prêts à verser des milliards de réparation... ?
Ne sommes-nous pas tous cet enfant, épargné ou frappé de plein fouet ?
- Et si l’on nous dit que les médias exagèrent et grossissent les affaires pour faire sensation, eh bien, nous ne sommes pas dupes : ce qui est porté à la connaissance de tous n’est encore que la pointe de l’iceberg.
- Et si l’on nous dit qu’il ne faut pas trop en parler pour ne pas scandaliser les faibles et les purs – eh bien, il faut faire le ménage avant qu’il ne soit trop tard et que ceux-là aussi se trouvent parmi les victimes.
- Et si l’on nous dit que cela affecte notre foi et nous empêche de dormir - eh bien, il serait choquant si une telle iniquité laissait un seul croyant somnoler tranquillement en vaquant à ses exercices de piété.
Le Carême approche et donc la Passion avec l’agonie du Christ à Gethsémani et son cri d’abandon sur la croix. Nous, adultes d’aujourd’hui, nous ne pouvons plus entendre les récits de la Passion comme autrefois : c’est que nous pouvons mettre des noms et des visages d’enfants sans défense sur la sueur d’angoisse et le cri vers le Père de Jésus ; Lui qui s’est identifié à ces petits qui sont ses frères. Ces innombrables inconnus qui traversent une même agonie et dont la chair est crucifiée derrière des rideaux tirés et des portes verrouillées n’ont pas fini de parler. Ecoutons-les, soutenons-les dans leur héroïque prise de parole, leur lente et laborieuse reconstruction menant enfin à la sortie du cauchemar.
Pâque sera à ce prix-là. Et notre Carême mérite d’être pris au sérieux.
Si nous jeûnons, que ce soit en pleine connaissance de cause ;
si nous faisons l’aumône, que soient rassasiés ceux qui ont faim et soif de la justice ;
si nous prions, que ce soit en prenant part au chemin pascal des victimes ;
qu’ils entendent à nouveau chanter les oiseaux ;
qu’ils voient éclore les fleurs de printemps
et qu’ils bénissent leur Créateur d’être des vivants.