par Sr Jacqueline Lorétan
Une ancienne devinette préconisait que le bon Dieu lui-même ne savait pas combien il y a de congrégations religieuses féminines apostoliques dans le monde, et quels sont leurs noms et leurs saints Patrons.
Dernièrement, quelqu’un nous a fait remarquer que nous, sœurs de Saint Maurice, nous étions probablement les seules à vivre sous le patronage d’un Saint Martyr, militaire en plus. Comment en sommes-nous venues à cette appellation ? A l’époque de la fondation, ce n’était pas la première préoccupation des quelques jeunes religieuses pauvres et inexpérimentées ; pour elles, il s’agissait avant tout de prendre soin des orphelines livrées à la misère et à l’exploitation de tout genre. Elles désiraient pouvoir s’en occuper en tant que femmes consacrées, vivant et priant en communauté : projet à portée spirituelle autant que sociale.
La mise à disposition d’une maison marqua le début de leur œuvre de prise en charge des enfants. Comme « par hasard » ce bâtiment était situé près de la chapelle des Martyrs à Vérolliez, lieu du sacrifice de la Légion thébaine. C’est là qu’elles priaient ; c’est de cette terre qu’elles puisaient force et courage afin de donner elles aussi leur vie à la suite du Christ, premier Martyr. Le nom de la Congrégation n’était donc pas à chercher bien loin. Ce sera : "Sœurs de Saint Maurice ».
Depuis ce milieu du 19e siècle jusqu’à nos jours, nous n’avons cessé d’approfondir la spiritualité du martyre afin d’en vivre. Bien des chanoines de l’Abbaye ont cheminé avec nous vers la réalisation de cet idéal.
Où en sommes-nous en ce 21e siècle déjà bien avancé ? Les dictateurs se prenant pour des dieux, comme à l’époque les empereurs romains, ne manquent pas à notre temps. Même vivant dans un pays libre et démocratique, nous sommes menacés par la tyrannie des lois de la consommation et de toutes sortes de « must » envahissant nos multiples écrans.
Obéir à Dieu plutôt qu’à l’empereur, comme l’a confessé le soldat Maurice, comment traduire ce défi pour notre temps ? Faut-il chercher à se faire tuer ? Non, mais vivre en se donnant, en faisant de notre quotidien une louange au Dieu de la Vie. Servir la vie en toute circonstance, en tout lieu. Continuer à être attentives « à toute misère, toute solitude, tout souffrance », comme le voulait notre fondateur, le Chanoine Gard. Et poursuivre le combat de la lumière victorieuse des ténèbres.