Liste des articles "Point de vue" publiés

par Sr Jacqueline Lorétan

D’où nous vient-elle, cette pulsion irrésistible à se déplacer dès que l’été est proche ? Serait-ce ancré dans l’ADN de l’homme depuis l’origine où, quittant le « berceau » africain, il s’est répandu sur toute la surface terrestre ? Les historiens l’attestent : l’humanité a toujours été en migration. Nous connaissons d’ailleurs cette phrase emblématique de l’AT : « Ton père était un Araméen nomade… » (Dt 26,5).

Plus profane mais toujours archaïque, en ce qui concerne nos migrations saisonnières, voyons nos compères Astérix et Obélix pris dans les bouchons des “huttes roulantes“ d’où fusent les jurons exaspérés de leurs conducteurs, alors qu’ils sont tous poussés vers la Mare nostrum : un peuple entier en exode ! 

Ce qui a changé depuis, c’est la forme, mais pas la « chose ». Dès fin janvier, on commence à concocter des projets, procéder à des locations, faire des économies et guetter les soldes en vue des vacances. Arrive le jour J-1 : gros branle-bas, stress et sueur. Valises faites, défaites et enfin bouclées. Et voici le Jour J : on y est ! En partant tôt, on met toutes les chances de son côté. Ah bon ? Des milliers d’autres nomades y ont pensé comme nous. Courage donc au sortir des villes, aux entrées des autoroutes et pour la suite du trajet : la voiture n’avance qu’au pas – et encore. On s’énerve ou on patiente ; « …après tout, c’est normal, tout le monde à la même enseigne, ‘faut payer le prix ».

Faisons ici une parenthèse reposante sur les jours paisibles de villégiature.

Pour le retour, schéma identique en sens inverse. Donc, nous rentrons chez nous bronzés, reposés, et oxygénés après de nouvelles files d’attente dans l’air saturé de gaz d’échappement…
Il faut l’admettre : Le cerveau humain a une étonnante capacité à oublier. En racontant nos souvenirs, nous avons vécu des vacances réussies, c’est cela qui compte. Et rebelote l’an prochain, dès que le stress des fêtes de fin d’année sera lui aussi oublié.

Notre mémoire est-elle vraiment si courte et notre esprit si peu inventif ?

Face au réchauffement climatique, à la pénurie d’énergie et aux inégalités criantes de notre société, quelle victoire, quel progrès si déjà beaucoup d’entre nous optent pour des lieux de vacances moins éloignés, moins polluants et moins coûteux ; et du coup, plus reposants, plus bénéfiques pour nous-mêmes et notre planète.

Il nous restera ainsi un coin du cœur encore libre pour penser à ceux qui ne peuvent se payer des vacances : chômeurs, “cas sociaux“, familles homoparentales etc. Et puis il y a ces colonnes humaines de réfugiés avançant exténuées et abattues sur les routes en recherche de sécurité, d’un toit sur la tête autre que la tente d’un camp. Eux, ils n’ont pas choisi les souffrances de la route. Nous, par contre, si nous avons souffert quelques heures dans les bouchons, c’était de notre plein gré et pour un but précis : nos vacances. Une pensée, un geste pour ces frères et sœurs en humanité ne nous les gâchera sûrement pas.