François CASSINGENA-TRÉVEDY (Moine de Ligugé) a composé une sonate de Noël, que vous pouvez consulter ici. Bonne lecture !

I

IL NEIGERA demain. Tout l’annonce : cette fadeur des pages et des façades, cette salive ravalée, ce je ne sais quoi de fébrile et de blême et de tout chose dans les choses. Ferrugineuse férie, diète et berne et nous cesserons d’entreprendre et de faire et d’être même, qui sait… Nous sombrerons au clair des roseraies subites. Oui, demain ce sera neige à l’aube, à l’ordre du jour.
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La neige prochaine à carreaux verse un jour mercurial, gravide de dansante densité pour émonder le monde jusqu’à ce que de monde même il ne soit plus.
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La neige fait au jardin des spirées lasses d’impondérable, de ces fleurs assoupies dont on ne sait le nom.
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Déroute des essieux, des bornes milliaires.
Médiété ! La neige
assolait d’imparfaites javelles
et sous la laisse étoilée des passereaux
ses calculs apeurés comme froment d’effraie.
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Les givraies du petit matin poussent des cris de joie comme des jardins d’enfant.
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Plus que nue-terre à elle-même posthume ; fané, tout le profane ! Par les sentiers bocagers où le gratte-cul rubicond fait la haie, vienne Noël et le sacre du Dauphin !
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Crayon. Roulement du vent à ras de terre éventrée suscitant pêle-mêle l’idée noire des oiseaux.
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Crayon, encore. Une terre arable s’en va vers une lisière à l’estompe d’où fuse un freux. De quel augure ? Et la voix de l’hiver est de chiens enroués.
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Décembre. Terre abrasée depuis longtemps par des ciels gréseux en exil. Il marchait. Il longeait. Derrière les hêtres, sur sa droite, il rangeait des couchants très lents à cicatriser. Hère, il se contentait pour son repas du soir de soleils ébréchés qu’il prenait dans ses mains.
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Hiver. La nuit se montre à la fenêtre, derrière les résilles qu’y dessine le grand arbre, historiée. C’est assez de déchirures au ciel pour qu’Il descende.
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Le froid du crépuscule tétanise à la fenêtre l’arbre nu. Calligraphie d’un fleuve noir. On dirait qu’il descend du ciel.
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L’hiver à neuf a révélé le système nerveux des arbres. Flammes au supplice du silence sur le ciel éraflé de ramoneurs noirs.
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Caractères d’arbres, brandes du jour mineur ; tout l’espoir de l’hiver au sérail d’un liseré.
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Une fumée lente qui s’élève, la pose hésitante d’une pie, la griffe des ramures ultimes sur un ciel gravide et, dans le crépuscule, le pépiement esseulé d’un Consolamini : voilà tout le matériel de l’hiver, toute l’armature de l’Avent.
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Hiver. Nous irons cueillir au treillis d’horizon des reinettes d’aurore.
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Crépuscule. Il y a dans les paupières apparence de racines. Les vergnes riverains mirent, intacte, leur gravure, donnant à la rosace assagie des eaux toute leur altitude de surcroît. L’on verra bientôt monter des fonds des lentilles d’étoiles.
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Le froid fait monter des rougeurs aux joues du soir, effile la lame de la lune opportune aux scieurs de long. Quand la nuit précisera les étoiles, nous sellerons nos pur-sang d’un drap d’or et nous irons de l’Avent.
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Le soir gercé tombe tout bas derrière les tortures immobiles du grand acacia, avec une telle expression d’innocence dans le regard que l’on en est presque gêné.
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Soir d’hiver roseraie derrière les orées.
Vin d’épines la nuit pétillera d’étoiles.
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Angelus de midi. Un rayon rationné s’étend de tout son long sur le bougeoir de grès, la timbale, le crucifix, le pupitre, la table et le plancher. L’hiver est l’hémisphère de ces natures que l’on dit mortes ; leur printemps à leur tour, et de quelle vivacité ! Cellule. Le regard célibataire s’en va, par un chemin de clair-obscur, jusqu’au plus chaud des choses.
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Horloge : on entend palpiter les intestins du Temps.
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Musique de nuit, ces fûts de bouleaux juvéniles qu’étonnent les étoiles.
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Couchant d’hiver. Les rouvres s’écriaient sur les cahiers du soir.
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Elan de pleine lune, ascension de scie glaciale dans le ciel pour les coupes les plus pures. A pareilles clairières les bûcherons voient bien qu’il n’est pas une fable, le sang bleu des bouleaux.
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Iucundare, filia Sion… Vocalise qui fuse, insolite, partie d’on ne sait où, partie de rien. Qui va là ? On hisse au bâtiment des forêts le pavillon de la plus soprane joie.
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Quatre heures de l’après-midi. Le jour a eu une syncope. Il est devenu noir, oh, si noir tout à coup ! Certainement il ne passera pas la soirée. Il faut lui porter les sacrements.
Ecce Dominus veniet et omnes sancti eius cum eo, et erit in die illa lux magna, alleluia !
Se moque-t-on de nous avec ces racontars de bonne femme ? Non, ce sont justement les sacrements que l’on apporte.
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D’une Nuit à l’autre hivernale vie de Dieu sous la chair, sous la terre qu’il a faites : il incube partout et partout est sa crèche.
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Arbres têtards gangrenés de gui sur le ciel, à toute extrémité de labours ; odeur envahissante d’un feu de coupe : viendrait-elle du couchant ? On a dû jeter du bois mort, là-bas, sur les tisons du soleil. Pourquoi l’excitation des fêtes factices, quand il ferait bon ne retenir de l’hiver que la très saine tristesse ?
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Les ecchymoses d’une aurore essayée disparaissent et le jour à peine ouvert se met à charbonner. Il maraude un temps, et puis il meurt sans bruit, sous les hangars et les granges remisé. Au dedans, stricte croisée des cœurs où filtre la tristesse. Oh, ce poids du jour à la longue, du jour inverse qui gravite ! Mais n’aurons-nous de neige désormais que de mémoire ? Qu’à nouveau frais de jacinthes elle équarrisse nos regards et descende au plus terne de nous-même y faire un pansement !
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Çà ! voyez comme il maraude à la brune, l’Etrange, autour des métairies à plat ventre sur quelques essarts que de père en fils on rapièce, à plat ventre sous les corons d’un ciel effroyable d’ennui ! Bouquets d’ormes, bas de laine, glapissements d’hommes et de bêtes appariés. A peine un lieu-dit. On lui jette un peu de lard parfois, plus souvent des horions. Il furète, il approche, chaque soir un peu plus près, et pour finir il apprivoise. Il s’est mêlé déjà, Dieu sait comment, du pain noir et du chabrol et de toute cette grande affaire rurale, depuis les origines fomentée. Et habitavit in nobis (Jn. I, 14).
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II

Vents, oui, grands vents d’outre-terre, inéluctables, car il faut bien que vents se passent, sur la tête des arbres et des hommes ! Lorsque, le souper pris et chaussées de nouveau les bottes humides, on sort un instant serrer çà et là, s’assurer que tout va bien du côté du chenil, on reçoit en pleine face, comme une offensive de freux et, qui sait, comme un reproche (ne serait-on pas trop couard, au fond, pour découcher sans feu ni lieu ?), tous les draps noirs qu’a établis, telle une voilure, la plus hauturière des nuits.
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Par des terres noires, extrêmement ennuyeuses, par des causses et des dolines graduelles, on accédait à des contreforts qui se mettaient à caracoler, un peu gris ; alors on commençait d’entrevoir le surplomb vertigineux de la Nuit myriacorde et des neiges inouïes, là-haut, qui étaient peut-être les hauts de chausse des anges.
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Sur le soir, à l’orée du bois – tenez, là-bas ; vous voyez ? – tout donne à penser qu’une émeute se prépare, une sédition, mais délicieuse. De grandes choses instrumentales ont éclaté par instant, déjà, sous les étoiles ; les falaises de la Joie se sont profilées, de hauts reliefs à l’horizon dont on reste ahuri. Un enfant est allé voir en éclaireur : la Nuit va mettre au monde et bientôt, croyez-moi, nous serons dépassés.
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Pastorale. Leurs joies se cohortaient peu à peu, frileuses, et somme toute, ils y allaient. De leurs guêtres, de leurs plus intimes flanelles même des bardanes révolues s’éprenaient, tandis que parmi les éclisses du givre ils glanaient des lunes blettes.
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A l’estime et d’instinct ils allaient du côté des cloches, là-bas, qui parlaient plus haut que les forêts, plus haut que les collines. Elles les appelaient. Non : ils se les rappelaient, très anciennes. Cet airain-là, réitéré, avait l’art de leur fondre le cœur, de leur briser la voix : il les mettait à jour.
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Déposition d’un berger. C’est vrai, le crépuscule, ce soir-là, frôlait l’étrange. On aurait dit que tout s’arrêtait, s’extasiait à l’état de stalactite et de solstice. C’était plein d’airs et d’ailes aiguisant le Désir. Alors, je ne sais comment, on s’est retrouvé nez à nez avec Lui, tout autre que ce qu’on disait. Ça grelottait de partout. Il dormait, Lui, par Bleu ! Mais les anges, les étoiles et nous, nous n’avons pas fermé l’œil !
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Ah ça, par exemple ! C’était un grand cru de nuit ! Pas une nuit noire, mais une nuit bleue, vous savez, une nuit clarifiée. Quand on la servait à boire, on voyait en transparence.
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La Nuit tombait, mais si doucement que ce n’était pas une chute. A mesure qu’elle abaissait son auvent, le Secret était levé. Et cette Nuit-là était si ajourée que l’on voyait en filigrane ce que jamais l’on n’avait vu jusqu’alors : on voyait le Prologue et la Généalogie, la conséquence sublime des Cascades. On voyait, oui, on voyait dans une nuit d’homme comme en plein Jour de Dieu.
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Cette Nuit-là était le Baiser de Dieu et son Abaissement.
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Les étoiles espaçaient les paragraphes des ramures : trachée d’universel respir ! Par l’œil de bœuf les ravis considéraient l’homme obscur dont, tous vents racolés, la Nuit traversière attisait de ses naseaux la naissance foraine. D’intempestives canicules torréfiaient l’orge sur l’aire où racinait encor, de tout son long, le frisson charnel de l’aïeul.
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Laetantur coram te sicut qui laetantur in messe (Is. IX, 3). La remise de sa Naissance était encombrée de houes, de herses, de fauchards, de râteaux à foin et de fourches à fumier qui recevaient les honneurs inopinés de l’encensement. L’usuel s’endimanchait soudain. Et lui-même était là, flambant neuf, au milieu de tous ces engins agricoles, traîneau à battre, triturant de neuf (Is. XLI, 15 Vulg.), comme avait prophétisé Isaïe. On entendait à l’arrière fond des choses la percussion robuste et joyeuse d’un grand effort paysan : c’était l’avance des moissonneuses, toutes de front, lieuses de louanges. On faisait la moisson sur la minuit, comme on eût dit la messe.
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Un orage d’anges éclata à portée d’hommes, une altercation délicieuse, tant il est vrai qu’on ne savait plus trop la frontière entre les nomes respectifs. La terre fumait. Gardiens d’âmes et gardiens d’animaux étaient à tu et à toi.
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Et timuerunt timore magno (Lc. II, 9). Les bergers furent saisis d’un froid au contact inopiné de cette banquise en déroute, émancipée de ses latitudes habituelles : les régions tempérées touchaient soudain au Pôle. Dieu faisait frais, cette Nuit-là, et l’homme, naturellement frileux, n’avait aucun chandail pour se garantir..
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Nuit de si haute fidélité sonore qu’on y entend les choses qui se disent en Dieu !…Dominus dixit ad me (Ps. II, 7)… Et les bêtes sont les premières à les entendre, les bêtes à l’oreille plus fine que les hommes. La Génération éternelle est de notoriété publique en plein foirail, jusque chez les maquignons qui pérorent, et le Mystère ne fait plus l’ombre d’un mystère.
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Nuit picorée d’anges et de mésanges bleus, à même l’aire d’auréoles et ses orges de givre ! Le Passereau du Père agraine et sermonne tous les siens dans la promiscuité d’une même famine.
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Qui dira de quelle étoffe éternelle cette Nuit le Fils est déroulé, dans quel velours bleu-roi ses caudataires s’empêtrent et se perdent tout à fait ? O Nuit sinueuse, toute d’ailes et de collines soulevées ! La Femme crèche dans un pli de la terre, et dans un pli de la Femme le Nouveau-né, comme si tout s’incurvait soudain pour le Tourneur du monde.
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Navette à son chevet faisant, les anges tissaient petit à petit le Fils au métier vertical de la Nuit. De haut en bas, de bas en haut. Fragile. Cette Nuit-là se prenait dans les deux sens. Le traversin n’était plus de pierre, comme sous la nuque du vieux Père Jacob : il y avait là, bien en chair, le Chevet même de l’Eglise.
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Comme Elle avait l’ouie fine, Elle entendait, entremêlées aux jubilations fluviales de la Nuit, des violoncelles de douleur.
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Sur son quart médian, la Nuit changea d’amure. Alors un vent de neige emplit d’aubaine les maies. Le matin venu réverbéra par la fenêtre basse un sourire de manne effarée. Immense indiscrétion ce blanc de l’œil, dehors, qui regardait, à peine égratigné de grives et de grièches.
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Sur le plein de la Nuit, il se fit aux plages que nos regards balayaient une louange boréale. Quand se mirent à darder fièrement les sagaies de l’aube, on s’aperçut à les fouler, à les froisser, que toutes choses crissaient d’un givre inhabituel, non pas adventice, mais intime. En prenant chair, Il avait pris aux racines, aux branches, aux moindres brindilles et voilà que l’on appréhendait partout de briser Ses rayons. Tout était inhabité, tout scintillait de ce que, de proche en proche, Il avait investi. Au sortir d’avoir ainsi sacré le monde, le Roitelet, mature depuis toujours, s’en allait par nos petits sentiers égayés de nèfles, toucher nos écrouelles.
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Cette Nuit-là était un orage autant qu’une caresse.
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C’était une nuit, une très longue nuit d’arpents et de harpes… La suite, on ne la sait pas : elle s’est perdue.
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III

Ramassées leurs musiques, des troupes d’anges faisaient halte à mi-pente et tiraient un quignon de pain de leurs musettes : il en restait pour eux aussi, tout frais. En bas, Bethléem bêlait. Le doigt sur la bouche pleine, ils se disaient l’un à l’autre : « Ecoute à l’horizon mourir, avec des résurgences de caravane, les cadences confidentielles dont nous sommes fauteurs. »
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Rendus à leur ordinaire, ils retournèrent souvent à l’endroit, histoire de voir un peu. Là où les anges avaient pâturé, rien, pendant longtemps, ne repoussa. C’était comme si, pour s’être aventuré trop bas, le ciel avait calciné la terre.
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De neige lasse les arbres, revenant à eux-mêmes, s’exonèrent avec des impatiences furtives, déjà, du faix qui leur est arrivé, sans gêne à force de douceur, touche à touche. On s’égaie, on s’égare, le temps que dure la joie des forêts ; rien qu’à voir on prend racine et ramure, mais de lumière ; on abuse, comme d’un collyre, de cet œil naïf que la terre à la ronde
écarquille. Et si l’on se faisait un métier, dites, d’écouter sur le soir la neige clarifier de très loin le sang des sources, quand les étoiles revenues mitigent l’observance de l’hiver, un peu étourdi de tous ces turdidés originels qu’il a mis bas ?
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Mise au secret de terre, un peu de neige notariée. Testament.
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A bout de neiges à l’étale, simplement un platane au pilori ; on ne peut l’approcher tant il est seul. Douceur alentour, douleur à l’horizon.
Jusant de la plus vive nuit qui soit montée jusqu’à nous. Les Annonciers ont laissé leurs violoncelles comme des ustensiles à l’estran.
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Tracée partout d’oiseaux, de petits mammifères en déroute, la neige décrit à longs coups d’ongle l’ennui des terres labourées, souligne, fainéante sur les branches maîtresses, la prestance des arbres, leur autre à contre-ciel muré : peut-être est-ce des Tristes.
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Je vous annonce une grande joie (Lc. 2, 10). Impropères. Toute cette Nuit-là n’était qu’un Faire-part : au lieu de le recevoir, nous l’avons déchiré.
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Derrière la claire-voie des arbres, une fumée qu’argente à contre-jour un soleil valétudinaire : le bonhomme-hiver besogne à la chauffe, avare de mots.
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Abords de ferme avec des ferrailles désœuvrées, des algarades de chiens rauques, des volailles éculées qui piètent entre des fanes. Un peu de neige agonise dans une ornière de purin. Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu.
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Regardez ! Mais regardez bien… Cet enfant, là, dans l’enfeu : c’est un enfant mort-né.
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Le vieillard retourne en Enfance, mais pas la sienne. Il met son pardessus et, par une avenue de platanes dénudés aux troncs squameux, grillés de fer à deux ou trois mètres de hauteur, il s’en va voir les illuminations, l’Enfant en devanture. Il est conduit par l’Esprit (Lc. 2, 27). Mais ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu ne sont-ils pas fils de Dieu ? Alors, histoire de faire un tour, en allant voir le petit Fils, il devient fils lui-même.
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Tout au long du voyage aller, assise en face de lui dans le compartiment de deuxième classe, Marie considérait la cage à oiseaux sur les genoux de Joseph : la part du Sang et la part du Feu… Et sur ce motif aussi concis que délicat, elle n’en finissait pas de broder. Intérieurement.
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Chandeleur. Le vieillard était de mèche avec l’Enfant : le bois mort a pris Feu.
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L’hiver a paralysé les arbres dans une gesticulation patibulaire, un idéogramme de goudron ; mais c’est à une sorte de prière qu’ils confinent, intolérables presque, autant que des hauts cris. Les voilà, subitement originaires d’un sourcil de terre morose et d’un ciel calaminé. Si l’on creusait un peu, l’on verrait qu’un arbre s’insurge là où un homme est tombé. Car l’arbre est le premier à relever de l’homme.
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Si l’arbre n’était dépouillé, on n’y verrait pas les oiseaux.
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Hiver en vis à vis. J’ai tracé le cours fluvial de l’arbre à l’étiage, de mémoire, à l’encre de mes yeux fermés. Mon arbre du dehors dans mon arbre intérieur. Imaginé.
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Ramures. L’hiver est de pur lignage.
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Et puis (la neige fait toujours suite mineure), et puis de nouveau la neige s’est mise à son carreau de dentelle, du haut des chais anciens ; elle a couru sur l’échine de la ruelle qui descend à la collégiale, sable fuyard entre les dernières roses momifiées au pas des portes. Grâce, cet épeautre que nous baillent les granges éventrées, cette denrée supplémentaire imposant l’armistice à tout le reste ! Présence inaccoutumée des toits, gaufres de lumière mate sous la plomberie du ciel si près de mettre bas.
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Hiver. Neige reine morte au berceau, rainures de la terre hersée et quelques hêtres hébétés sous le ciel las de ce qu’il a laissé.
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Neige, rien que pour l’apparition des pas ; ceux du vent, des oiseaux, des hommes. Lieu passant de tous les règnes, pur et simple ici-bas qui fige le transfuge. Çà et là rencontres et laisses du silence au plumage de sang.
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