« Le sol est tout crevassé,
car la pluie manque au pays,
les laboureurs se voilent la tête.
Même la biche, dans la campagne,
a mis bas et abandonné son petit.
Toute l’herbe fait défaut ;
les onagres, dressés sur les hauteurs,
hument l’air comme des chacals :
leurs yeux s’obscurcissent faute de verdure. » (Jr 14, 3-6)

« Il y eut alors de la grêle et du feu mêlé de sang qui furent jetés sur la terre : et le tiers de la terre fut consumé, et le tiers des arbres fut consumé, et toute herbe verte fut consumée. » (Ap 8, 7)

« Et le quatrième ange répandit sa coupe sur le soleil ; alors, il lui fut donné de brûler les hommes par le feu, et les hommes furent brûlés par une chaleur torride. » (Ap 16, 8-9)

Où est-elle donc, cette idéologie du progrès qui nous exaltait encore il y a quelques décennies ? Où est-il, cet impérialisme sur la création, qui accompagnait l’impérialisme politique des siècles précédents, et qui n’a pas encore capitulé aujourd’hui devant l’évidence de ses méfaits ? Aujourd’hui même, « l’homo sovieticus » maniaque et attardé continue d’encombrer le ciel de ses missiles, de réduire les villes en cendres, entraînant les nations dans une émulation dangereuse. Tout cela est vain, fou, monstrueux, infantile, lorsque l’unique problème universel qui devrait galvaniser nos énergies est la sauvegarde de la terre qui nous porte, avec ses deux corollaires indispensables : la juste répartition des biens et la frugalité de notre train de vie. La Nature n’est pas l’espace annexe de nos loisirs, ni la carrière inépuisable de nos exploitations, mais le Réel qui exige notre respect. Et ce respect a, en lui-même, déjà, pleine valeur religieuse. Il devrait faire taire nos petites guerres de religion contemporaines qui font tellement de bruit inutile, qui nous font honte et qui ne sont que des distractions, loin de l’urgent et de l’essentiel. La sanction nous vient aujourd’hui, rigoureuse, implacable, de cela même que nous avons violé. Il est temps de nous « convertir », de réparer notre crime de lèse-majesté du Réel et de vivre avec sagesse.

« Cieux, épanchez-vous là-haut,
et que les nuages déversent la justice,
que la terre s’ouvre et produise le salut,
qu’elle fasse germer en même temps la justice ! » (Is 45, 8)

« La terre brûlée deviendra un marécage,
et le pays de la soif, des eaux jaillissantes. » (Is 35, 7)

« Dieu, tu es mon Dieu je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi.
après toi languit ma chair,
terre aride assoiffée, sans eau. » (Ps 62, 2).

« Qui boira de l’eau que Je lui donnerai
n’aura plus jamais soif ;
l’eau que Je lui donnerai
deviendra en lui source d’eau
jaillissant en vie éternelle. » (Jn 4, 14)

Notre suffisance nous rend ingrats : notre toute première source vive, c’est notre désir, au plus intime et au plus vrai de nous-même. Notre ouverture fondamentale à la Transcendance-Immanence est notre premier puits domestique. Et la gestion de l’Eau vive qui sourd, gratuite, au plus profond de nous-même, appelle notre responsabilité personnelle et collective. Car nul n’est si bien désaltéré que celui qui donne à boire à autrui.

François Cassingena-Trévedy